L’humilité et l’aveu de nos fautes méritent louange

« Ya’akov avait envoyé Yéhouda en avant, vers Yossef, pour qu’il lui prépare l’entrée en terre de Gochen » (Béréchith 46:28), « Afin de lui préparer une maison d’étude qui diffusera l’enseignement de la Torah » (Rachi, Béréchith Rabah 95:3; Tan’houma Vayigach 11).

1. Pourquoi Ya’akov envoie-t-il Yéhouda et non pas un autre de ses enfants pour instituer une maison d’étude? Il est dit (Avoda Zara 5b): « L’homme doit se faire comme un taureau qui porte un joug, et comme un âne qui porte une charge, pour apprendre la Torah ». Issakhar est comparé à « un âne musclé » (Béréchith 49:14) et (Divrey HaYamim I, 12:33): « Les gens d’Issakhar, experts en la connaissance des temps pour décider la conduite à tenir par Israël ». S’il en est ainsi, Ya’akov aurait pu envoyer Issakhar au devant. Si l’on voulait expliquer qu’il avait envoyé Yéhouda parce qu’il avait la préséance en tant que roi (Béréchith Rabah 92:5) et que lui seul était capable de préparer une maison d’étude pour la diffusion de la Torah, il faut remarquer qu’il n’est pas besoin d’envoyer quelqu’un possédant spécifiquement les qualités d’un roi dans ce but. N’importe quel autre fils aurait pu accomplir cette mission!

2. Nous devons aussi comprendre pourquoi Ya’akov devait envoyer quelqu’un au-devant pour instituer une maison d’étude. Apparemment, il aurait pu attendre et décider lui-même, en arrivant en Egypte, du lieu le mieux approprié à la construction d’une Yéchivah. Dans ce cas, il aurait bénéficié d’un soutien accru du Ciel, puisque D. lui avait promis explicitement: « Moi-même, Je descendrai avec toi en Egypte » (Béréchith 46:4). Avec l’aide de D., il aurait pu trouver facilement un lieu pour la Yéchivah, d’autant plus que les Sages disent (Yoma 28b): « Durant toute leur vie, les Patriarches n’ont cessé d’étudier, même lorsqu’ils étaient en Egypte... »

La base de l’acquisition de la Torah est de savoir que, si l’on veut en acquérir la sagesse, il faut se faire petit et humble. Les Sages disent (Ta’anith 7a): « La Torah est comparée à l’eau - de même que l’eau s’écoule de haut en bas, de même la Torah ne s’acquiert que par celui qui se fait petit », c’est-à-dire qu’elle néglige les gens hautains et arrogants et ne réside que chez les gens petits et humbles. La Torah est appelée figurativement de l’eau (Baba Kama 17a; Tan’houma Tavo 3; Sifri Ekev 11:22; Chir HaChirim Rabah 1:16), comme il est écrit (Ichaya 55:1): « Vous qui avez soif, venez! Voici de l’eau ». Nous avons vu que notre maître Moché a reçu la Torah parce qu’il était extrêmement humble (Bamidbar 12:3) et si le Mont Sinaï eut le mérite d’être choisi pour le don de la Torah c’est parce qu’il est peu élevé (Sotah 5a).

Pourquoi la Torah ne s’acquiert-elle que dans l’humilité? Celui qui est modeste est capable, en voyant qu’il se trompe au sujet d’une loi ou de quelque enseignement, de reconnaître tout de suite son erreur, sans avoir honte de son ignorance et il progresse dans son étude, avec l’aide de D. Ce n’est que s’il admet son erreur qu’il peut la corriger, et sa compréhension tout d’abord erronée lui permet par la suite de pénétrer les paroles du D. Vivant. Ce n’est que s’il reconnaît ses erreurs qu’il est capable de les éliminer, de ne pas les réitérer, et de sanctifier le Nom de D. publiquement. Une des quarante-huit façons d’acquérir la Torah est de « connaître sa place » (Avoth VI:6), c’est-à-dire de savoir reconnaître ses erreurs. Les Sages disent (Chabath 119a; Guitin 43a) « On ne retient les enseignements de la Torah qu’après avoir fait des erreurs », et la reconnaissance des erreurs garantit la réussite.

Il est toutefois extrêmement difficile de reconnaître son erreur. S’il s’agit d’un maître, avouer son erreur en public est incomparablement plus difficile. S’il ne la reconnaît pas, « il perd beaucoup plus que ce qu’il gagne » (Avoth V:12). Mais s’il ne tient pas compte de ses sentiments personnels et qu’il avoue l’erreur qu’il a commise en étudiant, sa récompense sera grande en ce monde et dans l’autre. La grandeur et l’importance de l’École de Hillel étaient que les maîtres y enseignaient tout d’abord l’opinion de l’École de Shamaï, et seulement après leur propre opinion (Yirouvin 13b). Nous trouvons aussi dans le Talmud (‘Haguigah 2b) une discussion concernant le statut de celui qui est moitié esclave et moitié homme libre. L’École de Hillel a rétracté son opinion et a enseigné la loi selon la décision de l’École de Shamaï  ce qui montre son extrême humilité. C’est en hommage à cette qualité que les Sages disent: « La loi est conforme à la décision de l’École de Hillel, et non pas à celle de l’École de Shamaï » (Yirouvin 6b; Yérouchalmi Kidouchin 1:1). Nous savons par ailleurs que Hillel lui-même était descendant de Yéhouda (sa mère était descendante de David, de la tribu de Yéhouda, et son père descendant de la tribu de Benyamin) (voir Seder HaDorot).

Yéhouda avait cette qualité de « reconnaître ses fautes sans honte » (Sotah 7b), surtout après les réprimandes de Yossef, et c’est pourquoi il est envoyé en avant pour chercher un lieu qui convient à l’institution d’une Yéchivah où les élèves apprendront avec modestie, seront prêts à reconnaître leurs erreurs et n’auront pas honte de réviser leur opinion, ce qui leur permettra de parvenir à la perfection dans l’étude et la pratique des commandements, tel Yéhouda qui avouait ses fautes sans honte et retenait les enseignements de la Torah.

Il est possible de dire que c’est précisément le sens du verset: « Il avait envoyé Yéhouda en avant », littéralement: devant lui, c’est-à-dire que chaque Juif, descendant de Ya’akov, doit sentir qu’il y a toujours quelqu’un « devant lui » dans la Yéchivah, quelqu’un qui est plus grand que lui. Celui qui apprend la Torah ou l’enseigne, « qui reconnaît ses fautes et n’a pas honte de les avouer », sachant qu’il en est qui sont plus instruits que lui, acquiert la Torah et la met en pratique en toute humilité. C’est l’enseignement de nos saints Patriarches, pour tous les temps.

Nous pouvons maintenant comprendre le sens profond des paroles de nos Sages (Pessa’him 118b, 119a) qui rapportent la grande richesse de Yossef en Egypte, et comment elle fut transmise d’une nation à l’autre. Le Talmud pose la question: « Qui recevra, à l’avenir, cette fortune? Rabbi dit: toi et tes amis... » Plus loin, le Talmud demande: « Quel est le sens de « assis devant l’Eternel »? Rabbi Elazar répond: Il s’agit de celui qui connaît la place de son compagnon dans la Yéchivah. D’autres disent en son nom: Il s’agit de celui qui accueille son compagnon dans la Yéchivah ». Rachi explique: « Qui connaît la place de son compagnon », c’est-à-dire qui sait dire: ici est la place d’un tel, et là la place d’un tel. S’il connaît la place de chacun, c’est qu’il se trouve à la Yéchivah tout le temps ».

Il faut expliquer:

1. En quoi le fait d’être assis tout le temps à la Yéchivah est-il une preuve de grandeur, au point de mériter pour cela le trésor de Yossef?

2. Quelle différence y a-t-il entre celui qui connaît la place de ses compagnons dans la Yéchivah et celui qui accueille son compagnon?

3. Si tous les deux se trouvent dans la Yéchivah, pourquoi ces deux opinions ne sont-elles pas confondues en une seule, pour dire « celui qui se trouve tout le temps à la Yéchivah »?

C’est qu’en fait, il s’agit ici de deux sortes d’élèves. « Celui qui connaît la place de son compagnon » est un élève qui n’est pas des plus distingués, mais qui connaît sa propre place et la place de son compagnon. Il sait qui est meilleur élève que lui (dans le sens où nous avons expliqué « devant lui »), il le respecte et l’honore et en reçoit une grande récompense. Par contre, « celui qui accueille son compagnon » fait partie de ces élèves distingués qui ne s’enorgueillissent pas de l’étendue de leurs connaissances et reçoivent leurs compagnons, les aident et les soutiennent, et qui, s’ils se trompent eux-mêmes, avouent leur erreur sans honte car ils savent admettre la vérité. Eux aussi reçoivent une grande récompense, car leur humilité est la qualité fondamentale requise pour l’acquisition de la Torah. S’ils reçoivent la fortune de Yossef, c’est parce que Yossef nous a enseigné ce précepte par ses remontrances et ils ont suivi cet enseignement sans honte. Pour toutes ces raisons, Ya’akov envoya Yéhouda au-devant de lui.

Il faut ajouter que nous apprenons de Ya’akov un principe essentiel à la vie spirituelle de l’homme où qu’il soit - en ce qu’il envoya Yéhouda au-devant de lui en Egypte. Lorsque quelqu’un veut aller vivre dans une ville ou un pays, il doit tout d’abord se soucier de savoir s’il y a dans cette ville ou dans ce pays une maison d’étude, s’il y a un lieu de Torah, un bain rituel et une école religieuse. Il ne doit pas s’y installer d’abord et y chercher ensuite un lieu de Torah car, avant de trouver un lieu de Torah pour assouvir son âme assoiffée de spiritualité, il risque de tomber sous l’emprise de multiples tentations. Un lieu sans synagogue et sans maison d’étude est sans aucun doute dépourvu de la Présence Divine puisque « la Présence divine ne réside que dans un lieu saint et pur » (Avoth III:6). L’homme se met en grand danger en vivant dans un lieu dépourvu de centre d’étude de la Torah, c’est pourquoi, avant même de s’y rendre, il faut chercher à savoir si la Présence Divine s’y trouve et, seulement alors, s’y rendre. En ce qui concerne l’éducation des enfants, s’il n’y a pas d’école de Torah, c’est beaucoup plus grave. Rabbi Yossi ben Kisma dit (Avoth 6:9): « Je ne vis que dans un lieu où il y a la Torah ». L’homme doit se soucier avant tout de sa vie spirituelle, et seulement ensuite de ses besoins matériels. Nous apprenons cela de Ya’akov. Avant de se rendre en terre de Gochen, la plus fertile de toute l’Egypte, comme il est écrit (Béréchith 45:18): « Je veux vous donner la meilleure province de l’Egypte » et l’on sait qu’il s’agit de la terre de Gochen (ibid. 47:6), il se soucia tout d’abord d’y installer un lieu de Torah où il pourrait se rendre immédiatement. S’il devait chercher un lieu d’étude, plusieurs jours risquent de passer, parfois des mois, et il est dommage de perdre un seul instant. De plus, ce serait mettre les descendants de Ya’akov en danger que de les faire venir en un lieu prospère et agréable dépourvu de Torah, où ils goûteraient les délices de la terre - ce qui pourrait avoir sur eux une mauvaise influence, comme les Sages le racontent (Chabath 147b): « Le vin de Proguite et les bains de Dioumas ont causé la ruine des dix tribus » car ils furent entraînés par les plaisirs de ce monde.

Nous savons (Soucah 52b; Kidouchin 30b; Zohar I, 190a) que « si tu rencontres ce vilain (le mauvais penchant), entraîne-le dans la maison d’étude ». Mais pour cela il faut être dans un lieu où il existe une maison d’étude où l’entraîner et le soumettre. Ya’akov craignait pour ses enfants en Egypte, pays de débauche et de gens pervers (Chemoth Rabah 1:22), il craignait que l’un d’eux ne se laisse entraîner par le mauvais penchant...

Aujourd’hui nombre de gens se soucient avant tout d’avoir une belle maison, spacieuse, dans un endroit où l’air est frais et pur, même s’il n’y a pas de centre d’étude et pas de bain rituel. Il est impossible de mesurer le danger que cela représente car comment échapper alors à l’emprise du mauvais penchant, ce vilain, ce détestable?

Il faut chercher à passer même les vacances, période où l’on voyage vers des lieux de repos, dans une ville où il y a un centre d’étude, et se fixer un temps d’étude. Rabbi Elazar ben Arach’ se rendant à Proguite et à Dioumas se laissa séduire par leur vin et leurs eaux et oublia ce qu’il avait appris (Chabath 147b). Il est certain qu’en se rendant dans un lieu de Torah, on peut vaincre le mauvais penchant.

Quelle est la voie à suivre?

La Torah s’acquiert avec humilité; c’est pourquoi chacun doit savoir apprécier celui qui est plus instruit que lui et reconnaître ses propres erreurs. De même, quel que soit l’endroit où l’on choisit de fixer sa résidence, il faut s’assurer qu’il y a là un lieu d’étude, rempli de sainteté. Même pour des vacances, il faut chercher une ville dotée d’un lieu d’étude où l’on pourra entraîner le mauvais penchant, ce vilain, et le vaincre à tout moment.

 

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