Des désastres occasionnés par la cupidité

«Et Dieu dit à Moïse: «Rends-toi chez Pharaon car J’ai endurci son cœur et celui de ses serviteurs pour faire éclater ces signes en Egypte»(Exode 10:1)

Nous avons déjà longuement discuté de cette passion pour les richesses et les possessions, qui est une entrave au service de Dieu. Cependant, il est possible que nos paroles soient considérées comme celui qui raconte les miracles de la sortie d’Egypte duquel il est dit: «Tout celui qui en rajoute est digne de louanges.» Ainsi nos Sages ont enseigné: «Les bénédictions et les louanges de l’homme indiquent s’il est sage ou ignorant» (Bérakhoth 50a; Yérouchalmi id. 1:8), car il manifeste sa reconnaissance pour le Saint, béni soit-Il, pour tous les miracles qu’Il lui prodigue; c’est ce que je vais essayer de faire:

1) Pharaon dit à Moïse et Aharon: «Prenez garde, le malheur est devant vous» (Exode 10:10): Pharaon a-t-il vu ce malheur devant ses yeux? Et si c’étaient ses magiciens qui le lui indiquèrent, cependant [par leurs prières, leurs grands mérites et leurs bonnes actions], les Juifs s’élèvent au-dessus du mazal et sont en mesure de transformer en leur faveur les lois de la nature, ainsi que le cours des événements (cf. Chabath 156a, Pessikta Zouta, Choftim, 18:14). D’où donc cette certitude?

2) Pourquoi, d’après le Talmud (Bérakhoth 9b; Chémoth Rabah 3:14), les enfants d’Israël ne reçurent-ils qu’une partie des biens qui leur avaient été promis avant leur asservissement aux Egyptiens? Pourquoi n’est-ce que lors du pillage de la Mer Rouge, qu’ils ont tout récupéré (Rachi sur Genèse 15:22).

3) Il est écrit: «Les enfants d’Israël partirent ’HaMouCHim du pays d’Egypte» (Exode 13:18). Citant le Talmud, Rachi explique que seul un cinquième (’HaMiCHith) d’entre eux sortirent d’Egypte, les quatre cinquièmes restants ayant péri lors de la plaie des ténèbres parce qu’ils avaient refusé de partir (Rachi id.; Mekhilta id.; Tan’houma id.). Dieu n’aurait-Il pas pu se venger d’eux différemment: soit en les maintenant dans leur esclavage en Egypte, soit en les en faisant sortir malgré eux. Pourquoi a-t-il décrété contre eux la sentence de mort?

C’est que, nous le lisons dans la Hagadah de Pessa’h «Cette nuit, je passerai dans le pays d’Egypte — Moi et non un messager — ...et J’y frapperai tout premier né — Moi le Seigneur, c’est Moi et nul autre» (Exode 12:12). C’est essentiellement grâce à cette dernière plaie que le Nom de Dieu fut sanctifié, car en Egypte, tous les premiers-nés des nations périrent (Mékhilta Chémoth 12:29). C’est aussi le sort qui fut réservé aux premiers-nés égyptiens qui se trouvaient à l’étranger, ceux des esclaves et des animaux (Yalkout Chimoni, Bo, 186; 208; Tan’houma id. 7). Les Egyptiens ont été châtiés de la sorte parce qu’ils ont maltraité les enfants d’Israël sans aucune pitié.

Mais, craignant qu’ils ne franchissent le cinquantième degré d’impureté dont il est impossible de sortir — Dieu voulait les libérer même avant d’achever complètement le châtiment qu’Il imposait aux Egyptiens. Cependant, la vengeance de Dieu devait être totale, et c’est pour cette raison qu’Il endurcit leur cœur et leur donna de l’élan pour qu’ils poursuivent les enfants d’Israël et courent vers leur perte, car le Nom de l’Eternel ne se sanctifie que lorsqu’Il se venge des méchants (Mékhilta, Bechala’h id.), comme il est écrit: «l’Eternel s’est manifesté car Il a exercé la justice» (Psaumes 9:17).

Nous comprenons maintenant pourquoi Dieu fit en sorte que les enfants d’Israël ne reçoivent pas toute la récompense de leur dur labeur en Egypte (réponse à la deuxième question): parce que «les idoles des Nations sont d’argent et d’or» (Psaumes 115:4; 135:15). Si les Egyptiens leur avaient tout donné, n’ayant plus leurs idoles avec eux, ils auraient eu peur de les poursuivre, et Dieu ne se serait pas vengé d’eux. C’est pour cette raison qu’ils prirent tout leur or et argent pour poursuivre les enfants d’Israël, étant sûrs qu’en prenant avec eux leurs idoles, ils bénéficieraient de leurs pouvoirs et protection. Cependant, en tout état de cause, les Egyptiens se noyèrent dans la Mer Rouge et tout leur bien passa aux mains des enfants d’Israël.

Après avoir assisté à toute une série de miracles et prodiges accomplis par l’Eternel en leur faveur, après avoir reçu la Torah au Mont Sinaï, les enfants d’Israël se servirent des richesses des Egyptiens pour fabriquer le veau d’or (Bérakhoth 32a). Comme il est écrit: «C’est moi qui lui prodiguais cet argent et cet or dont on se servait en l’honneur de Ba’al» (Osée 2:10). Comment peut-on concevoir cette chute, ce manque total de reconnaissance? Il est écrit d’autre part: «Otez les anneaux d’or qui sont aux oreilles de vos femmes» (Exode 32:2). Manquait-il de l’or aux enfants d’Israël pour commettre pareille faute?

C’est que l’argent permet d’accomplir des mitsvoth et des bonnes actions. Il n’y a pour ainsi dire pas un seul précepte divin qui ne soit lié à l’argent. C’est l’argent, expliquent les Sages (Pessa’him 119a; Bamidbar Rabah 18:11), qui permet à l’homme de tenir debout. Mais Dieu a fait correspondre le bonheur au malheur (Ecclésiaste 7:14): l’argent permet aussi de faire le mal, entre autres de s’adonner à l’idolâtrie moderne, nous voulons parler de la télévision, qui retranche l’homme de ce monde.

Pourquoi? Parce que l’idolâtrie est inhérente à l’argent, et pour contrecarrer ces effets, l’homme doit prendre conscience du fait que l’argent ne lui appartient pas du tout. «L’argent m’appartient, et l’or m’appartient, dit l’Eternel Tsévaoth» (Haggaï 2:8). C’est Lui qui le donne à l’homme afin qu’il accomplisse des mitsvoth et de bonnes actions; il doit l’asservir, le subjuguer, car «tout vient de Toi, et nous recevons de Ta main ce que nous T’offrons» (Chroniques I, 29:14). Mais si on aime l’argent pour l’argent, on en devient esclave et on n’en profite nullement.

Il est vrai que le Saint, béni soit-Il, a octroyé en abondance de l’or et de l’argent aux enfants d’Israël, lors du «pillage» d’Egypte et encore plus de la Mer Rouge, comme il est écrit: «Nous Te ferons des chaînons d’or avec des paillettes d’argent» (Cantique des Cantiques 1:11), afin qu’ils le raffinent et le débarrassent de toute trace d’idolâtrie et d’esclavage (car il est possible de passer toute la journée et toute sa vie avec une seule préoccupation: celle de faire le maximum d’argent dans le seul but d’en posséder)... car Dieu veut que l’homme ne se serve de l’argent qu’à des fins spirituelles, comme la construction de la Ménorah et des outils pour le Saint Temple et qu’il ne soit pas asservi à l’argent.

Mais à cause de leurs nombreux péchés, les enfants d’Israël se sont servis de leur argent et leur or pour fabriquer le veau d’or. Il est vrai que d’après nos Sages (Tah’houma, Ki Tissa 19), c’est la tourbe qui monta d’Egypte avec eux qui façonna le veau d’or. Ils en donnent comme preuve le verset (Exode 32:4) qui stipule: «Israël, voici ton Dieu» et non notre Dieu... C’est qu’il était difficile aux Egyptiens (la tourbe) d’abandonner leur habitude de s’assujettir à l’argent; ce sont eux qui ont enraciné dans le cœur des enfants d’Israël l’amour passionné des richesses.

Nous pouvons maintenant comprendre ce qui est écrit: «Pharaon poursuivit les enfants d’Israël qui étaient sortis la main haute» (id. 14:8). Essayons d’abord d’établir le lien entre la première et la seconde partie du verset.

Les Egyptiens croyaient pouvoir corrompre les enfants d’Israël par l’argent (en les soudoyant) qu’ils avaient pris avec eux en les poursuivant sur la Mer Rouge, les faire revenir en Egypte et affaiblir leur étude de la Torah et leur attachement au Saint, béni soit-Il (remarquons à cet effet la similitude des lettres des mots vaYiRDeFou (ils les poursuivirent) et RaFou YaD (lâché leur main)... Les enfants d’Israël n’ont cependant pas succombé à la cupidité. Ils sortirent béyad ramah, la main haute. Remarquons ici la similitude des termes des mots RaMaH et MaRaH: l’argent en tant que tel est amer (BeYaD a la même valeur numérique «réduite» que kessef: l’argent: 7). Ils considéraient l’argent comme leur esclave et s’en servaient pour accomplir des mitsvoth et de bonnes actions. Et en fait, ce n’est pas Pharaon qui réussit à influencer les enfants d’Israël, mais la tourbe qui était montée d’Egypte avec eux. C’est elle qui voulait que même les anneaux accrochés aux oreilles des femmes servent l’idolâtrie, car tout l’or des enfants d’Israël devait, d’après eux, être mal utilisé. Ce n’est que lorsque l’argent est gagné pour lui-même, et pas dans le but d’accomplir des mitsvoth, qu’on est affaibli spirituellement.

Commentant le début du verset: «Yithro, prêtre de Madian entendit...» (Exode 18:1), les Sages (Zéva’him 116a; Mekhilta id., Rachi ad. loc.), posent la question: «Qu’entendit-il qui le fit venir chez Moïse? Et ils répondent: le passage de la Mer Rouge et la bataille d’Amalek.» Yithro a dû sans doute aussi entendre parler de nombreux autres miracles accomplis par l’Eternel en Egypte. Pourquoi les Sages ne mentionnent-ils que ces deux événements?

C’est que Yithro apprit qu’en poursuivant les enfants d’Israël avec tous ses biens, Pharaon ne réussit pas à les dissuader d’étudier la Torah, car ils ne voulaient pas s’asservir à l’argent et l’or. Grâce à leur foi en Dieu et leur renforcement, ils eurent le privilège d’assister à de nombreux miracles accomplis par Dieu en leur faveur. C’est l’argent et l’or qui doivent servir l’homme, et non le contraire, car «augmenter sa fortune, c’est augmenter ses soucis» (Pirké Avoth 2:7). En apprenant cela, Yithro se défit de tous ses biens et vint se convertir au Judaïsme.

Yithro entendit également parler de la bataille d’Amalek causée, comme on l’a vu, par l’affaiblissement spirituel des enfants d’Israël (Bekhoroth 5b, Mékhilta Bechala’h, 17:8). Le Ba’al Hatourim explique à cet effet que les valeurs numériques successives de Rafou yédéhem min hamitsvoth (ont relâché leurs efforts dans l’accomplissement de préceptes divins) et ’Am Israël birfidim (les enfants d’Israël étaient à Réfidim) sont similaires. Comme un chien et un serpent venimeux (Zohar II, 194b), Amalek voulait «sucer» le sang des enfants d’Israël à cause de leur affaiblissement dans le service de Dieu (Tan’houma, Ki Tessé 9). Il les saisit d’effroi.

Cependant, dans sa grande sagesse, Moïse vit le pourquoi des choses. Aussi demanda-t-il à Josué de «nous choisir des hommes» (Exode 17:9), c’est-à-dire des personnes pieuses, méritantes, capables d’anéantir Amalek (Mékhilta, id.). Il est écrit d’autre part: «Lorsque Moïse élevait la main, Israël l’emportait et, lorsqu’il baissait la main, Amalek avait le dessus» (id. 11). «Est-ce la main de Moïse qui livre bataille?», demande le Talmud (Roch Hachanah 29a). En fait, lorsque les enfants d’Israël lèvent les yeux au Ciel et asservissent leur cœur à leur père qui est au Ciel, ils triomphent de leurs ennemis. Moïse voulait faire comprendre aux enfants d’Israël, que seule l’étude de la Torah (yad ramah: la main élevée: allusion à l’étude de la Torah) leur permet de vaincre leurs ennemis, mais s’ils succombent à l’attrait de l’argent et de l’or, ils se relâchent dans leur étude et se font vaincre par Amalek... Il convient de ne brandir la main — c’est-à-dire l’argent (béyad — avec une main — a la même valeur numérique «réduite» que kessef, l’argent) — que pour la gloire de l’Eternel, car «le profit qu’on tire de la sagesse vaut mieux que l’argent» (Proverbes 3:14). C’est ce qu’a compris Yithro, et ce qui l’a incité à se convertir.

Nous voyons ainsi combien l’argent et l’or peuvent gâcher la conduite et les conceptions de l’homme. Ils sont susceptibles de le tromper et lui faire dire: «C’est ma propre force, c’est le pouvoir de mon bras qui m’a valu cette richesse» (Deutéronome 8:17). Ils lui font oublier que tout vient exclusivement de Dieu. Il doit cependant savoir que, tout comme l’argent et l’or n’ont servi qu’à noyer les Egyptiens dans la Mer Rouge, ils l’affaibliront considérablement, le feront succomber au mauvais penchant, et lui feront abandonner l’étude de la Torah.

Nous pouvons maintenant comprendre comment, après avoir assisté à tant de miracles et de prodiges, les enfants d’Israël ont commis le péché du veau d’or. C’est cette tourbe qui était montée avec eux en Egypte qui les a trompés en leur faisant croire que Moïse était mort, et que son cercueil se trouvait dans le Ciel (Chabath 89a): la réception et l’étude intensive de la Torah était donc inutile. Il fallait désormais mettre ses efforts dans la poursuite de l’or et de l’argent. Le péché du veau d’or (’éguel) a laissé son impact tout au long des générations, car si on court après l’argent, on ne peut étudier la Torah comme il se doit. ’EGueL a les mêmes lettres que La’AG (dérision): on se moque souvent de ceux qui étudient la Torah; et ’’EGueL a les mêmes lettres que Ga’AL: la cupidité conduit au dégoût de l’étude de la Torah.

Nos Sages donnent deux versions différentes de la fabrication du veau d’or. D’après le Midrach Tan’houma (Ki Tissa 19; cf. Rachi Exode 32:4), les magiciens de la tourbe qui était montée d’Egypte avec eux, façonnèrent avec leur magie l’or qui avait été jeté dans le creuset. Le même Midrach (id. Béchala’h 2) explique que Mikha, qui fut sauvé par Moïse d’une fondation où il était emmuré en Egypte... (Tana débéElyahou Rabah 7), jeta dans le creuset une plaque en métal où était inscrit: «Monte, bœuf, monte bœuf», plaque écrite par Moïse et qui était destinée à faire monter le cercueil du «bœuf» (le surnom de Yossef, cf. Deutéronome 33:17) du Nil, et en fit le veau d’or.

D’après cette version, leurs intentions n’étaient pas mauvaises. Mais comme leur argent ne servait qu’à l’idolâtrie, dès qu’ils jetèrent la plaque dans le feu, il en sortit un veau, ’EGueL, pour leur faire comprendre combien ils tournaient en dérision la Torah (La’AG), combien elle les répugnait (Ga’AL). «Ils se livrèrent alors à des réjouissances» (Exode 32:6), c’est-à-dire s’éloignèrent de la Torah, et s’attachèrent à l’argent et l’or. Le Roi David fait allusion à tous ces concepts dans ses Psaumes (106:19-20): «Ils fabriquèrent un veau près de ‘Horev; ils se prosternèrent devant une image. Ils troquèrent ainsi leur gloire contre l’effigie d’un bœuf qui broute l’herbe.» Ils jetèrent le plateau où était inscrit: «Monte bœuf», et ne pensèrent qu’au ’éguel, qu’à tourner en dérision la Torah et à succomber à la passion de l’or et l’argent.

Cela nous permettra d’expliquer l’enseignement des Sages (Yalkout Chimoni, Ki Tissa, 393) selon lequel lors du péché du veau d’or, les lettres des Tables de la Loi disparurent; les Tables étaient alors devenues tellement lourdes qu’à l’exception de Moïse, nul ne pouvait les saisir. Moïse les lâcha alors de ses mains (Exode 32:19). Quelle peine il en éprouva! Car à l’origine, elles étaient légères et tenaient toutes seules (Tan’houma, Ki Tissa, 30; Chir Hachirim Rabah 5:12). Pourquoi seul Moïse pouvait-il saisir les Tables de la Loi?

Parce que Moïse haïssait littéralement l’argent et l’or. C’est ainsi que, au cours de la sortie d’Egypte, pendant que «les enfants d’Israël empruntaient des ustensiles en or et en argent des égyptiens» (cf. Exode 11:2), Moïse accomplissait des mitsvoth, comme la recherche du cercueil de Joseph (Sotah 13a). Nous avons expliqué par ailleurs comment Moïse a en fait enfreint l’ordre divin. Car la cupidité et l’étude de la Torah sont diamétralement opposées et «on ne peut pas trouver la Torah chez les commerçants» (‘Irouvin 55a)... Seul Moïse pouvait donc saisir les Tables; lui seul a eu le mérite de les faire descendre de la montagne pour donner la Torah au Peuple d’Israël.

Seuls ses descendants, la génération intègre de la tribu de Lévi, poursuivirent la voie qu’il avait tracée, ils n’abandonnèrent pas l’étude de la Torah même en Egypte, ils ne participèrent pas au péché du veau d’or (Bamidbar Rabah 3a). Eux seuls ont eu le mérite de lever l’Arche de l’Alliance pendant le périple du désert, car ils haïssaient les biens, tout comme Moïse, contrairement aux autres tribus que Moïse dut éloigner (malgré elles) des rivages de la Mer Rouge qui étaient pleins de butin (Exode 15:22).

En fait ils ne durent pas déployer de grands efforts pour lever l’Arche de l’Alliance, car, nos Sages l’ont enseigné: «l’Arche se portait elle-même et ceux qui la portent...» (Sotah 35b, Bamidbar Rabah, 4:21; Zohar II, 242a) c’est-à-dire exclusivement ceux qui étudient assidûment la Torah. L’étude de la Torah facilite la vie de l’homme: elle la rend pour ainsi dire plus légère, et s’il a l’impression que l’étude intensive le fatigue, ce n’est qu’une fatigue momentanée. Ses forces se renouvellent bien vite, car «celui qui met en pratique les lois et ordonnances divines obtient par elles la vie» (Lévitique 18:5), et ceux qui mettent leur espoir en Dieu acquièrent de nouvelles forces (Isaïe 40:31).

En revanche, celui qui refuse d’étudier assidûment la Torah ressent une constante lassitude et ne peut résister en période d’adversité (Bérakhoth 63a): «Si tu faiblis (dans l’étude de la Torah) le jour de la détresse, ta force diminuera» (Proverbes 24:10). En outre celui qui tourne en dérision ceux qui étudient la Torah et marche selon le «conseil des méchants» (Psaumes 1:1) en étudiant avec légèreté et sans aspiration, voit finalement sa conduite se détériorer même dans une yéchivah ou un centre d’étude. Or, «la raillerie et la légèreté conduisent l’homme au libertinage» (Pirké Avoth 3:13).

Les ouvrages d’éthique enseignent que celui qui n’a aucune envie d’étudier la Torah prouve qu’il poursuit les vanités de ce monde, telles que la recherche passionnée des richesses et des honneurs, qui le privent de tout bonheur spirituel, et le dissuadent d’accomplir comme il convient les préceptes divins... Si par conséquent on se ressaisit pour reprendre l’étude de la Torah, la récitation de prières, et l’accomplissement de mitsvoth avec énergie et inspiration, on retournera sur le bon chemin.

Nous pouvons maintenant répondre à la première question que nous avons posée au début: comment Pharaon savait-il qu’un malheur allait s’abattre sur les enfants d’Israël? Pourquoi Moïse ne lui a-t-il pas expliqué qu’ils étaient en mesure de changer leur destinée, et que Dieu les aimait en dépit du fait qu’ils ont failli franchir la cinquantième porte de l’impureté? Son silence équivaudrait-il à une approbation? Une autre question se pose: par quel mérite Pharaon a-t-il pu voir l’avenir à ce point?

En fait Pharaon a vu juste: les enfants d’Israël peuvent certes changer le cours normal des événements, à condition toutefois qu’ils se conforment à la volonté divine. Sinon, à Dieu ne plaise, ils sont exposés à toutes sortes de dangers. Pharaon a bien compris que le malheur guettait ceux qui se passionnaient pour les richesses. Et c’est ce qui s’est effectivement passé: comme nous l’avons vu, seul un cinquième des enfants d’Israël sortirent d’Egypte, le reste ayant péri lors de la plaie des ténèbres car leur soif de richesses les a perdus (réponse à la 3ème question).

A la question posée par Pharaon «Quels sont ceux qui iront?» (Exode 10:8), Moïse et Aharon répondent: «Nous irons avec nos jeunes gens et nos vieillards» (id. 9). Pharaon leur dit alors: «Allez, vous, Na haguevarim (les hommes)» (id. 10). En d’autres termes, vous ne pourrez pas tous offrir des sacrifices (léhakriv se sacrifier pour Dieu), ou léhithkarev, vous rapprocher de Dieu tout en succombant à la cupidité, car ce sont deux concepts diamétralement opposés. Les jeunes gens (né’arim), ceux qui s’éloignent (mitna’arim) de la Torah et ont soif d’argent, doivent rester en Egypte, et seuls les hommes peuvent sortir, GuéVeR (homme) ayant la même valeur numérique que HaR (montagne). Seuls ceux qui veulent se rapprocher de la montagne, du Mont Sinaï, ceux qui sont capables de vaincre leur mauvais penchant qui a l’apparence d’une montagne (Soucah 52a), peuvent partir, servir l’Eternel et se conformer à Sa volonté (remarquons la similitude des valeurs numériques «réduites» respectives de Na haguevarim (les hommes) et lo mamone (le manque de richesse). Ceux qui poursuivent les richesses peuvent être lésés lors du don de la Torah: il est donc préférable qu’ils restent en Egypte.

Pharaon disait la vérité. Ses propos effrayèrent un grand nombre d’enfants d’Israël. Ils craignirent de sortir d’Egypte et leur fin fut amère. Et il en est toujours ainsi: le mauvais penchant suit toujours les mêmes voies. Tels sont ses arguments: «réfléchis donc un peu, l’étude de la Torah et l’accomplissement de mitsvoth te sont nuisibles, car ils t’empêchent totalement de profiter de ce monde (la Torah ne s’acquérant que par la peine) et ne t’apportent qu’ennuis et misères.» Il oublie, comme Pharaon, que la Torah est appelée lumière (Proverbes 6:23). Il ne dit pas: «Or, la lumière, celle de la Torah (cf. Ta’anith 7b), est devant nous.» Il dit réou: «Voyez raa’ le mal, c’est-à-dire le mauvais penchant, est devant vous» (cf. Soucah 52a) dans le seul but de dissuader.

Pharaon voulait par conséquent affaiblir les enfants d’Israël, mais la Torah a déjà prévenu: «Que le sage écoute et il enrichira son savoir» (Proverbes 1:5): l’or et l’argent ne vont pas de pair avec l’étude de la Torah: ils sont nuisibles. Une partie des enfants d’Israël le comprirent et s’efforcèrent de ne pas succomber à la cupidité. Ils s’adonnèrent plutôt à l’étude assidue de la Torah et l’accomplissement de mitsvoth. Mais les quatre cinquièmes d’entre eux, qui voulaient joindre l’utile à l’agréable, refusèrent de sortir d’Egypte. Ils essayèrent même de persuader les autres d’agir comme eux. Ils ne comprirent pas que l’argent qui ne sert pas le nom de Dieu, profane l’union des enfants d’Israël et la Torah dans son intégralité... Seule l’union les aidera à vaincre la cupidité et contribuera à les rendre dignes du don de la Torah.

 

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