Le triomphe du bien sur le mal

Nos Sages enseignent qu’en Egypte, les enfants d’Israël étaient enlisés dans les quarante neuf portes de l’impureté, et que le Saint, béni soit-Il, les en libéra sans plus attendre, de peur qu’ils ne franchissent le seuil de la cinquantième (Zohar, Ythro 39a). En revanche, ils reconnaissent qu’ils avaient été très méritants en Egypte... Ils avaient conservé leur nom, leur langue, et leur costume, observé l’Alliance, évité la médisance, circoncis leurs enfants et n’avaient pas révélé les secrets. Ils s’étaient particulièrement efforcés de se conformer à la volonté divine, et d’observer à la lettre les trois fondements du Judaïsme.

Lorsque l’individu perd ses valeurs spirituelles pour s’assimiler, il change tout d’abord d’aspect extérieur: il se rase, s’habille à la dernière mode, emploie un vocabulaire spécial, le tout pour oublier son passé, se détacher de son Judaïsme... Les enfants d’Israël eux, ont conservé leurs particularités, même si leur régression spirituelle était évidente. A preuve le verset: «Voici les noms des fils d’Israël, venus en Egypte avec Jacob, chacun avec sa famille» (Exode 1:1). «Voici les noms» indique qu’ils avaient gardé leur nom Juif; «venus en Egypte» indique qu’ils ne s’habillaient pas comme les Egyptiens, «chacun avec sa famille» indique qu’ils sont venus avec leur famille, sans révéler leur identité, et en continuant à parler leur langue d’origine.

Autre explication: IsraëL HabaïM les deux premières lettres et les deux dernières forment le mot MILaH; les dernières lettres de eTh ya’akoV iCH, forment le terme CHaVaTh (ou Chabath); les deux mitsvoth qui les ont libérés d’Egypte... Comment par conséquent ont-ils d’une part respecté ces préceptes de base, et de l’autre se sont-ils détachés du Saint, béni soit-Il, jusqu’à tomber dans le quarante-neuvième degré d’impureté. Cependant, il est vrai qu’ils ont fait téchouvah le jour du Chabath HaGadol, mais leur régression a suivi immédiatement, à tel point que Dieu dut les faire sortir d’Egypte, malgré eux et au plus vite (Exode 12:39). Pourquoi ne sont-ils pas restés attachés à Dieu par des liens d’amour?

Comme on l’a déjà vu, le Midrach rapporte que seul un cinquième des enfants d’Israël sortirent d’Egypte, les quatre cinquièmes restants ayant péri au cours des trois journées de ténèbres (Mékhilta, Tan’houma Béchala’h 1). Ceux qui étaient restés en Egypte, étaient donc des Tsadikim. Comment peut-on alors concevoir qu’ils aient failli franchir la cinquantième porte de l’impureté? Comment l’ange d’Egypte pouvait-il les accuser d’idolâtrie devant la Cour Céleste (Zohar II, 170b).

On pourrait répondre qu’ils avaient fait téchouvah. Mais comment avaient-ils réussi en si peu de temps à s’élever, jusqu’à la cinquantième porte de la pureté, et à être prêts au sacrifice de Pessa’h et à recevoir la Torah? Où avaient-ils puisé les forces grâce auxquelles ils émergèrent de l’impureté pour rejoindre le royaume de la sainteté? (Comment, d’autre part, les Egyptiens n’avaient-ils pas remarqué la disparition des quatre cinquièmes des enfants d’Israël après la plaie des ténèbres?).

Comme nous l’enseignent les auteurs d’ouvrages d’éthique, lorsque l’homme commence à prendre conscience de l’essence et de l’existence de Dieu, ses forces qui jusque-là somnolaient et étaient latentes, s’éveillent soudain. Il s’agirait à notre humble avis de son âme, une «partie» de Dieu qui est gravée dans le Trône Céleste (Zohar I, 113a), et qui l’aide à transformer le mal en bien. D’ailleurs même celui qui sombre dans l’impureté la plus totale, ne se détache pas complètement de Dieu, un fil continue à le lier à Lui. Même les Juifs les plus superficiels sont aussi pleins de grains — de mitsvoth que la grenade (Bérakoth 57a; ’Irouvin 19a; Zohar II, 100a), même si ces préceptes ne sont pas accomplis exclusivement pour l’amour de Dieu car ils incitent à faire les mitsvoth pour l’amour de Dieu (Pessa’him 50b; Talmud Yérouchalmi, ‘Haguigah, 1:7). Et si un homme mauvais peut se transformer en bien grâce à une mitsvah, à plus forte raison grâce à plusieurs mitsvoth; ainsi tous ses péchés se transforment alors en mérites (Yoma 86b; Baba Métsia’ 33b).

On peut maintenant comprendre comment sur le Mont Sinaï, les enfants d’Israël ont dit: «Nous accomplirons, puis nous entendrons» (Exode 19:8; 24:7), malgré toute leur impureté et leur ignorance en Torah. Ils avaient en eux cette force latente, inhérente à tout Juif, et qu’il suffit de réveiller.

On peut également comprendre l’enseignement de nos Sages: «Si le scélérat (le mauvais penchant) te lèse, attire-le dans la maison d’études» (Soucah 52b; Kidouchine 30b). Comment un homme en chair et en os peut-il attirer le mauvais penchant, cet ange de feu (Zohar I, 80a) à la synagogue ou à la Yéchivah? C’est que, dès qu’on manifeste le désir de lui livrer bataille, on sent ses forces intérieures se réveiller pour attaquer, et l’attirer dans la maison d’étude pour le vaincre. C’est pourquoi, rapporte le Talmud (Sanhédrine 38a), lorsque le Saint, béni soit-Il, voulut créer l’homme, les anges Lui demandèrent: «Qu’est donc l’homme, pour que Tu Te souviennes de lui?» (Psaumes 8:5). C’est qu’ils ignoraient cette force spirituelle puissante, capable de vaincre le mauvais penchant. Ils conseillèrent donc à Dieu de ne pas créer l’homme, de peur qu’il ne se révolte contre Lui.

On raconte à cet effet qu’en Espagne, pendant l’Inquisition, une jeune fille juive qui observait les mitsvoth en cachette, fut appréhendée et condamnée à une mort atroce. Au moment où elle allait être exécutée, elle demanda qu’on couse ses vêtements à sa peau avec des aiguilles pour qu’on ne vît pas sa chair. Quelle force de caractère! Au seuil de la mort, seule comptait la décence... Telles sont les forces spirituelles qui aident l’homme à servir son Créateur, à s’élever dans toute situation.

Cependant pour éprouver de pareilles forces, l’homme doit faire le premier pas, accomplir ne serait-ce qu’une petite mitsvah. L’Eternel lui ouvrira alors bien grandes toutes les portes (cf. Chir Hachirim Rabah 5:3; Pessikta Rabah 15:6). Celui qui vient se purifier, se fait aider (Chabath 104a, Yoma 38b) précisément par ces forces intérieures... Car le mauvais penchant ne vise qu’à plonger l’homme dans l’impureté la plus totale; il essaie toujours de le pousser au péché (Béréchith Rabah 22:12; Zohar I, 111b); il siège dans le cœur même de l’homme (Bérakhoth 61a; Soucah 52b). Seule la Providence Divine nous aide à le subjuguer grâce à ces forces spirituelles.

Toutefois, il ne suffit pas d’exprimer son désir de se purifier et s’élever. L’adage ne mentionne pas celui qui veut se purifier, mais qui vient se purifier. Celui qui désire améliorer ses voies, se rapprocher de l’Eternel, doit savoir que cela n’est pas facile du tout. Le mauvais penchant est toujours là, aux aguets, et incite l’homme à se révolter contre le Maître de l’Univers. L’homme doit «venir», c’est-à-dire s’apprêter vraiment à lui livrer combat: alors il aura l’appui de l’Eternel. Ce combat est une nécessité concrète, et non un souhait théorique... Celui qui décide de se joindre à ceux qui empruntent la voie divine, peut espérer le salut; celui qui se contente de désirer le salut risque d’être déçu. C’est pourquoi, à propos de l’étude de la Torah, Rachi insiste particulièrement sur les efforts qu’il faut déployer pour y parvenir (Lévitique 26:3).

Nous pouvons maintenant comprendre comment les enfants d’Israël faillirent franchir la cinquantième porte de l’impureté tout en observant les trois préceptes fondamentaux: on ne peut s’élever que par l’étude constante, assidue de la Torah. Sans Torah, on se maintient au même niveau spirituel, et on est même susceptible de régresser. C’est ce qui est arrivé aux enfants d’Israël en Egypte: ayant négligé l’étude qui leur permettait de s’élever, ils ont sombré dans l’impureté la plus totale.

Rabbi ‘Haïm Chmoulévits pose la question, dans son ouvrage Si’hoth Moussar, «Comment les enfants d’Israël se sont-ils rapidement écartés de la voie que Je leur avais prescrite? Comment ont-ils fabriqué un veau de métal et se sont-ils prosternés devant lui» (Exode 32:8)? En stagnant au même niveau, en ne cherchant pas à s’élever dans l’étude de la Torah et le service divin.

Commentant les propos de nos Sages (Yébamoth 20a): «Sanctifie-toi par ce qui t’est permis», Rachi explique: pour ne pas en arriver à l’inceste qui est prohibé par la Torah, tu peux ajouter et interdire ce qui t’est permis. Essayons un peu de comprendre: d’une part, la Guémara montre à l’homme comment se sanctifier; d’autre part, s’il s’en abstient, comme explique ici Rachi, il est susceptible de succomber littéralement à l’inceste... Comment cela?

C’est que celui qui se maintient au même niveau est susceptible de commettre des péchés encore plus graves, à Dieu ne plaise. Ce n’est qu’en accomplissant de plus en plus de mitsvoth et en ajoutant des «barrières» qu’on accède à des niveaux élevés et saints. Il faut pour cela «être saint» (Lévitique 19:1, c’est-à-dire s’éloigner de l’immoralité sexuelle (Vayikra Rabah 24:4, 6). Il faut avant tout surveiller ses regards, et quand on se sanctifie par ce qui est permis, on réveille ces forces intérieures, et on peut s’élever de plus en plus. «En les entendant, le sage enrichira son savoir» (Proverbes 1:5).

 

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