Le don offert aux Tsadikim l’offrande des prémices

Hilloula de Rabbi Haïm Pinto Hagadol • 26 Eloul 5751

Comme nous l’avons vu, l’offrande des prémices contribuait à raffermir la foi des enfants d’Israël. Après avoir oeuvré à recueillir les fruits de sa terre, l’agriculteur juif devait attendre quatre ans avant d’en jouir. Il accomplissait alors la mitsvah de néta’ rev’aï et avant d’en consommer, il en offrait les prémices au Cohen à Jérusalem, pour montrer que tout appartient exclusivement au Saint, béni soit-Il. L’offrande des prémices développe aussi l’humilité et la soumission, le Grand Pontife les apportant au Cohen qui lui est inférieur, et le riche les apportant au pontife qui est moins riche que lui. Celui qui les offrait se faisait surtout bénir dans toute oeuvre de ses mains.

Après la destruction du Temple, la Providence Divine réside en chacun de nous, si nous veillons toutefois à nous purifier et nous sanctifier. La Chékhinah réside plus particulièrement chez le Juste, qui est plus saint que tous.

Le Tsadik est en outre en mesure de faire faire pénitence à tout le monde en se déplaçant d’un endroit à l’autre, contrairement au Saint Temple, fait de pierres, qui restait sur place. Par conséquent, celui qui se rend chez le Tsadik, où réside la Chékhinah, c’est comme s’il montait au Saint Temple.

Pourquoi alors nos Sages ont-ils comparé l’offrande faite au Sage/Tsadik à celle des prémices et pas au fait de monter au Temple? En outre, quel rapport peut-on établir entre l’offrande des prémices et le Sage de la Torah?

C’est que, chez le Sage/Tsadik, on retrouve les mêmes vertus que l’offrande des prémices. Celui qui se rend chez le Tsadik pour lui faire la charité ou lui demander conseil, doit avoir une foi aveugle en sa bénédiction, grâce à laquelle il sera digne de l’assistance divine. Il doit aussi s’humilier et s’annuler devant lui, même s’il pense qu’il est plus riche, plus intelligent et plus érudit en Torah que lui. Il doit être persuadé que, quand le juste décrète une sentence, le Saint, béni soit-Il, la met en application (Chabath 59b). Dieu entend alors sa voix et lui envoie un flux d’abondance. La question reste toutefois posée: pourquoi nos Sages n’ont-ils pas comparé l’offrande des prémices à la montée au Saint Temple?

Comme nous l’avons vu, la Michnah (Bikourim 3:2) enseigne que ceux qui montaient à Jérusalem pour offrir des prémices devaient dormir dans la grand-place de la cité sainte pour ne pas être emplis d’orgueil, et plus particulièrement les riches qui amenaient leurs offrandes dans des paniers recouverts d’or et d’argent et montrer que tous sont égaux devant Dieu. Les riches pouvaient en effet s’enorgueillir du fait qu’ils mettaient en pratique le verset: Il est mon Dieu, je le célèbrerai (Exode 15:2) en veillant particulièrement à embellir les mitsvoth qu’ils accomplissaient (cf. Chabath 133b; Soucah 14b). Tous, riches comme pauvres, montaient à Jérusalem à pieds, les riches s’abstenant de s’y rendre dans leurs beaux attelages pour ne pas créer de jalousie et que l’harmonie et l’humilité règnent entre les différentes couches sociales de la population juive.

La Guémara demande: Pourquoi le cortège se rendant dans la ville sainte jusqu’au Temple devait être accompagné par la musique (‘HaLil, la fl-te)? (Bikourim 3:4). C’est parce que la mélodie incite l’homme à se rapprocher de Dieu au plan spirituel; on s’efface complètement devant Lui, comme la poussière (‘HoL) de la terre. C’est cette musique qui crée le lien avec Dieu et permet d’offrir les prémices à l’Eternel.

Celui qui se rend chez un Tsadik ou assiste à sa hiloulah ne doit pas perdre son temps à trouver une belle chambre d’hôtel, mais doit suivre l’exemple de ceux qui montaient à Jérusalem pour y offrir les prémices. Il doit rester humble et exprimer sa gratitude à l’Eternel qui lui a permis de venir se recueillir sur la tombe du Tsadik. Dieu exaucera alors ses voeux.

Le fait d’apporter un présent à un Sage ressemble à l’offrande des prémices car ils sont du même ressort, alors que le Beth Hamikdach n’est fait que de pierres immobiles...

Le terme ‘HaLIL (fl-te) peut se décomposer en ‘HaY et MaKh (Mem Kaf a la même valeur numérique (60) que Lamed Lamed restant). On s’attache au Tsadik, qui est toujours ‘Hay (vivant) en faisant preuve d’humilité, MaKh qui signifie modeste, humble), et on en reçoit la bénédiction à tous les plans par le mérite du Tsadik.

Véhaya Quand tu seras arrivé au pays dans la joie. On n’éprouve généralement de joie qu’en recevant et non en donnant: les prémices dans notre contexte.

Certes, il n’est pas toujours facile de se soumettre au Tsadik et d’avoir foi en ses capacités, surtout au début, mais il faut s’efforcer de se rendre chez lui dans la joie et l’humilité. D’ailleurs à cet effet, le terme HaAReTs est formé des premières lettres de Hakhna’ah (soumission), Emounah Rabah (grande foi) au Tsadik. Même si on se rend à sa tombe lors de sa hiloulah, on doit être emprunt de joie, plus particulièrement si on achète et allume des bougies pour l’élévation de son âme, ou pour subvenir aux besoins de Yéchivoth et Collélim en son nom. On devient alors Zévouloun qui subvient aux besoins d’Issakhar (Béréchith Rabah 99:9), comme nous le verrons plus bas.

Bénissant Zévouloun, Moïse lui dit: Sois heureux, Zévouloun dans tes voyages et toi, Issakhar, dans tes tentes (Deutéronome 33:18). Commentant ce verset, le Midrach explique: Zévouloun a du mérite parce qu’il aide Issakhar dans ses affaires. C’est comme s’il s’engageait lui aussi dans l’étude de la Torah (Tan’houma, Vayé’hi 11). Moïse a fait précédé Issakhar de Zévouloun, car sans lui, il n’aurait pas eu les moyens de s’engager dans l’étude de la Torah. Libre à chacun de faire de la publicité pour ses actes ou agir en cachette en toute modestie. Le prophète nous incite toutefois à cacher sa conduite devant ton Dieu (Michée 6:8): c’est le principe de base du culte divin.

Nous savons à cet effet que ce n’est que par la modestie qu’on acquiert la Torah (Avoth 6:6). Plus les parois d’un ustensile sont fines, plus elles contiennent. Ce n’est qu’en s’effaçant et étant humble qu’on peut recevoir davantage de Torah. Nos Sages nous incitent en outre à revêtir l’aspect de désert, qui n’appartient à personne et que tout le monde foule. C’est, d’après le Or Ha’Hayim, la signification du verset: les enfants d’Israël campèrent dans le désert (cf. Exode 19:2).

Issakhar est un âne osseux (Genèse 49:14): en d’autres termes, si on veut s’engager dans l’étude de la Torah, on doit se comporter avec les autres comme un âne, symbole de l’humilité totale, animal qui marche toujours la tête en bas. En revanche, Zévouloun Ichkon occupera le littoral des mers (id. 13), il est diamétralement opposé à Issakhar, incarné par l’âne. Car qui ne peut s’émerveiller du grand océan aux étendues immenses (Psaumes 104:25). C’est que le verset précise Ichkon: il fait résider la Chékhinah en lui, la Providence Divine qui le baigne d’humilité, bien que c’est lui qui subvient aux besoins d’Issakhar: l’association est donc parfaite.

Zévouloun qui est riche, achète en public une grande bougie pour l’élévation de l’âme du Tsadik. Qu’en est-il alors de l’humilité? C’est qu’il agit essentiellement pour l’amour de Dieu, sans éprouver la moindre trace d’orgueil. La Providence Divine résidera alors en lui et il sera digne d’être l’associé du Saint, béni soit-Il, étant d’ores et déjà l’associé du Tsadik. Par son humilité, il a accédé à la Torah, mettant en pratique le verset: Quand même tu serais réduit à ne manger que du pain avec du sel; à mesurer jusqu’à l’eau que tu bois, à coucher sur la dure, et à t’imposer toutes sortes de privations, occupe-toi néanmoins avec zèle de l’étude sacrée (Avoth 6:4).

De grands efforts sont toutefois requis pour accéder à ce niveau, comme il est écrit: Ceux qui mettent leur espoir en Dieu acquièrent de nouvelles forces (Isaïe 40:31): il s’agit de ceux qui se raffermissent et visent toujours à se conformer à la volonté de Dieu. Espère en l’Eternel, courage! Que ton coeur soit ferme et espère en l’Eternel (Psaumes 27:14): s’il t’est difficile d’espérer en Dieu, raffermis-toi, car ceux qui mettent leur espoir en Dieu acquièrent de nouvelles forces et en viennent de nouveau à espérer en Lui.

Nous avons donc vu là les bases, les conditions nécessaires pour en arriver à s’attacher à Dieu: attachement au Tsadik de la génération, charité au Juste pour l’élévation de son âme le jour anniversaire de sa mort, effacement et soumission, foi totale au Tsadik et au Créateur de l’Univers, acquisition de la Torah par l’humilité. Nos Sages enseignent à cet effet que ce monde ressemble au vestibule du monde futur. Il doit viser le principal: s’efforcer d’entrer à l’intérieur du palais (cf. Avoth 4:6). Si le vestibule est magnifique, que doit-il en être du palais! Ce monde est merveilleux, c’est l’oeuvre du Saint, béni soit-Il, mais il faut prendre garde, car ce n’est que le vestibule. Le palais, c’est-à-dire le monde futur, est infiniment plus beau. Efforçons-nous donc d’accéder au palais même!

Sachons que, comme les palais de ce monde, le monde futur possède plusieurs entrées, comme le décrivent les écrits de la Kabalah, et que pour avoir accès à la bonne porte, nous avons besoin d’une grande assistance divine. On y accède essentiellement par la correction des traits et l’aspiration à la plénitude. On peut alors monter avec assurance les échelons qui conduisent à la maison de l’Eternel à condition toutefois de ne pas s’arrêter, car si on marque une pause, on tombe. Israël est comparé à la colombe (Cho’her Tov 68:8; Zohar I, 215b), et tout comme si elle s’arrête au cours de son envol, elle tombe, nous aussi si nous marquons une pause dans notre élévation dans l’étude de la Torah et l’accomplissement de mitsvoth, nous risquons de tomber. Déployons donc les plus grands efforts dans ce domaine et espérons en Dieu. Rattachons-nous au Tsadik et à son âme. Nous accéderons alors aux plus hauts niveaux spirituels et saurons trouver la porte du palais, celle du monde futur, car l’Eternel veille sur les pas de ses adorateurs (Samuel I, 2:9) et les conduit sur le bon chemin.

Pourquoi le verset des Psaumes mentionné plus haut nous incite-t-il deux fois à espérer en Dieu? C’est qu’il est certes excellent de se rendre chez le Tsadik, mais l’essentiel est d’avoir foi en Dieu, car le Tsadik n’est qu’un messager entre l’homme et Dieu. Ce que nous demandons de lui, c’est essentiellement d’intercéder en notre faveur auprès du Tout-Puissant: n’oublions pas qu’il est interdit de placer sa foi en l’homme, même si c’est un Juste. Commentant à cet effet le verset: Que mon enseignement s’épande comme la pluie (Deutéronome 32:2), le No’am Elimélekh explique que l’homme doit prier que tous ses actes revêtent l’aspect de pluie, dans ce sens qu’en tombant elle n’a aucun plaisir à arroser la terre, mais c’est essentiellement pour le bien du monde. C’est également ce que vise le Tsadik. Dans notre contexte, Zévouloun doit prier de ne rechercher aucun intérêt personnel au moment où il subvient aux besoins d’Issakhar.

Fasse Dieu que par le mérite de Rabbi ‘Haïm Pinto dont l’anniversaire de la mort tombe aujourd’hui nous soyons dignes de faire pénitence en ce mois de la miséricorde. Que toutes nos prières soient exaucées et que nous assistions à l’avènement du Machia’h, au plus vite de nos jours. Amen!

 

 

La mitsvah des bikourim brise la gourmandise et dissipe les passions
TABLE DE MATIERE
Le but des prémices: troubler le mauvais penchant

 

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