La disparition des Justes

1. Nous nous poserons encore une fois la question sur le verset: Moïse alla ensuite adresser ces paroles... La Torah nous le montre debout, en train de parler aux enfants d’Israël. D’où alors est-il parti et dans quelle direction pour adresser ces paroles?

2. Rabbi Ben Tsion Halberchtam [que Dieu venge son sang], le Tsadik de Bobov, fait remarquer que dans le verset: Et maintenant écrivez pour vous ce cantique... (Deutéronome 31:19) pour vous semble de trop. Les Israélites ne vont certainement pas écrire ce Cantique pour d’autres.

C’est que le jour de la disparition des Tsadikim est un jour douloureux pour Israël. Leur disparition est plus grave pour Dieu que les cent châtiments (moins deux) de la sidrath Ki Tavo, et que la destruction du Saint Temple (Ekhah Rabah 1:39). Le Roi David s’exclame à cet effet: Une chose précieuse aux regards de l’Eternel, c’est la mort de ses pieux serviteurs (Psaumes 116:15).

C’est que la disparition du juste laisse un grand vide, car il ne se trouve plus désormais quelqu’un qui puisse imprégner de pureté et de sainteté les membres de l’Assemblée d’Israël, en particulier s’il s’agit d’une mort prématurée, engendrée certainement par les péchés de sa génération. Les Juifs doivent alors faire une pénitence sincère pour qu’on ne porte pas des accusations contre eux pour cette mort. Le prophète explique bien à cet effet que c’est à cause de la perversité que le juste disparaît (Isaïe 57:1). [Le Or Ha’Hayim s’étend beaucoup sur cette idée (cf. Exode 30:13).] D’ailleurs, même si le Tsadik meurt âgé, les Juifs doivent scruter minutieusement leur voie et faire téchouvah pour qu’on ne porte pas des accusations contre eux.

La veille de sa mort, Moïse réunit les enfants d’Israël et leur dit: Vous êtes placés aujourd’hui, vous tous... Aujourd’hui faisant allusion au jour du Jugement...

Moïse les accuse d’être responsables de sa disparition et du refus de l’Eternel de le laisser entrer en Terre Sainte, car s’ils ne l’avaient pas irrité lors de l’épisode des Eaux de la Controverse, il les aurait fait entrer en Terre d’Israël et construit le Temple, qui n’aurait jamais été détuit. A cet effet, commentant le verset: Entonnez justes, des chants en l’honneur  de l’Eternel, aux hommes droits, Navah Téhilah il sied de louer [Dieu]! (Psaumes 33:1), la Guémara explique: Ne lis pas: Navah Téhilah, mais Névéh Téhilah (l’oasis de la louange) (Sotah 9a).

De plus, si Moïse était entré en Terre d’Israël, il aurait eu le mérite d’accomplir tous les commandements divins qui y sont inhérents. N’était-ce pas là son aspiration suprême, comme nous l’avons vu? (cf. Sotah 14a).

Moïse n’a toutefois pas accusé directement les enfants d’Israël. Vous êtes tous placés aujourd’hui... afin d’entrer dans l’alliance... leur dit-il. Il s’agit là de rapports entre l’homme et Dieu. Toutefois, concernant les rapports entre l’homme et son prochain, je vous pardonne en toute sincérité. Si je ne peux pas passer ce Jourdain, ajouta-t-il individuellement à chacun d’eux, c’est essentiellement parce que je suis âgé de cent vingt ans aujourd’hui. Nul d’entre vous n’est coupable. C’est que tout simplement le temps est venu pour moi de disparaître de ce monde, conformément à la volonté de Dieu qui ne m’a octroyé que cent vingt ans de vie.

Aucun Juif ne fut puni à cause de lui. Moïse ne visait en fin de compte qu’à réconforter les enfants d’Israël en leur souhaitant de continuer à se trouver placés devant l’Eternel, votre Dieu, le monde entier n’étant que vanité des vanités, et tous ses plaisirs étant dépourvus de toute signification.

Au plan spirituel en revanche, il les a incité à s’avancer avec une force toujours croissante aspect de Vayelekh Moché. Pour accéder à ce niveau, ils devaient se conduire selon les lois de Dieu, garder les préceptes et les exécuter (cf. Lévitique 26:3). L’objectif essentiel de l’homme dans ce monde est de s’engager dans l’étude de la Torah et d’en accomplir les mitsvoth, de ressentir constamment la présence de Dieu et de prendre conscience du fait qu’on est jugé à tout moment pour chacun de ses actes. C’est en s’imprégnant du fait que chaque jour nous rapproche de la mort que naît l’envie d’étudier et d’enseigner la Torah intensivement.

J’ai cent vingt ans aujourd’hui... dit Moïse aux Israélites, j’ai veillé toute ma vie à n’irriter personne, et tous mes jours étaient complets.

Comme nous l’avons vu dans une leçon précédente, le Baal HaTourim fait remarquer que le terme VaETh’HaNaNe a la même valeur numérique que ChIRaH, le chant. La veille de sa mort, Moïse a ordonné aux enfants d’Israël d’écrire ce Cantique... qu’on le mette dans leur bouche... Il voulait leur montrer par là la valeur de la prière qui fait accéder à des sommets spirituels et opère des miracles.

Moïse ne s’est pas plaint que les enfants d’Israël n’ont pas imploré Dieu pour qu’il entre en Terre Sainte. Comme Moïse correspond à toute l’Assemblée d’Israël et réciproquement, on peut dire qu’ils se sont associé à lui, ont récité avec lui les cinq cent quinze prières qu’il avait adressées à Dieu à cet effet.

Nous ne devons nous rappeler que les bienfaits innombrables et les leçons de Torah que Moïse a apprises aux enfants d’Israël. Souvenez-vous de la Torah de Moïse, mon serviteur s’exclame le prophète (Malachie 3:22).

Et même quand il s’est vivement irrité contre eux, comme le montre l’emploi du verbe Vaadabéra dans le verset: Ecoutez, cieux, je vais parler (Deutéronome 32:1), Moïse utilisait le terme Chirah (Cantique) (cf. Rachi, id. 1:1).

Or, nous savons que le chant, qui implique la miséricorde, engendre l’esprit de sainteté (cf. Zohar III, 287b) et est inspiré par la prophétie (id. I, 158b). Quand le Saint, béni soit-Il, s’irrite, Il s’imprègne immédiatement de miséricorde, et quand on rédige et entonne des cantiques, Il déverse son courroux sur les arbres et les pierres, la terre expie alors les fautes d’Israël, comme il est écrit réhabilite et Sa terre et Son peuple (Deutéronome 32:43).

Par conséquent, si Moïse a ordonné aux Israélites d’écrire ce Cantique pour vous, c’est pour qu’il prenne leur défense. Ce Cantique rappelle à Dieu tous les cantiques et toutes les prières de Moïse et du peuple pour entrer en Terre d’Israël.

La Torah se termine par LeéneY KoL IsraëL aux yeux de tout Israël, dont les dernières lettres ont comme valeur numérique 70, le nombre des nations du monde (Pessikta Rabati 9:2), qui ne pourront pas faire du mal à notre Peuple, car toutes les actions et les prières de Moché influent sur les générations après lui (cf. Tikouné Zohar 69 p. 112).

On peut dire aussi que dans le terme LaKheM du verset: Et maintenant, écrivez LaKheM pour vous ce Cantique (allusion à la Torah, on retrouve les lettres de MéLeKh (roi). En d’autres termes, seul celui qui emprunte la voie divine et s’engage dans l’étude de la Torah, peut ressembler à Moïse qui était souverain sur son mauvais penchant (cf. Bava Bathra 78b).

 

 

La grande valeur de l’écriture du Rouleau de la Torah
TABLE DE MATIERE
La Torah ne peut résider chez l’orgueilleux

 

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