La mitsvah de chemittah nous enseigne à acquérir l’humilité

Il est écrit dans notre parachah : « L’Eternel parla à Moïse au mont Sinaï pour lui dire : « Quand vous viendrez dans le pays que Je vous donne, la terre chômera pour l’Eternel » (Lévitique 25, 1), et aussi : « Quand vous direz : que mangerons-nous la septième année (...) j’ordonnerai pour vous ma bénédiction » (Ibid. 25, 20).

Le livre HaKountrass du Admor de Satmar pose la question suivante : « La plupart des commentateurs de la Torah se sont demandé ce que voulait dire le verset par les mots « la terre chômera pour l’Eternel » ; n’est-il pas répété par la suite (Ibid. 25, 2) : « Pendant six ans tu sèmeras ton champ (...) et la septième année un chômage absolu sera accordé à la terre » ? Il semble donc que « la terre chômera pour l’Eternel » soit superflu ». Dans la suite de son exposé, il pose une autre question : « Rachi dit : Pour l’Eternel – en l’honneur de Son nom, de la même façon que ce terme est employé à propos du Chabath. » Cela aussi demande explication : y a-t-il une mitsvah qui ne doive pas être pour l’Eternel ? Alors pourquoi est-ce justement à ce propos que Rachi explique : « en l’honneur de Son nom » ? »

Une autre question est également posée dans Noam Elimélekh sur notre parachah, au nom de son frère Rav Zoucha, célèbre par sa piété, en ces termes : « Quand vous direz : que mangerons-nous la septième année, (...) J’ordonnerai pour vous Ma bénédiction ». Nous savons que la démarche habituelle de la Torah consiste à écrire une lettre supplémentaire qui permet de répondre à plusieurs questions, sans que celles-ci soient écrites explicitement. Or ici, la question est écrite dans la Torah. N’aurait-il pas fallu se contenter des mots : « J’ordonnerai pour vous Ma bénédiction », auquel cas personne n’aurait éprouvé le besoin de se demander : « que mangerons-nous » ?

Je voudrais également poser la question suivante, déjà abordée par Rachi : Quel est le rapport spécifique entre la chemittah et le mont Sinaï, puisque toutes les mitsvoth ont été données au Sinaï avec leurs principes généraux et leurs détails ? Pourquoi l’expression « au mont Sinaï » figure-t-elle précisément à propos de la mitsvah de chemittah ? Même si l’on adopte l’explication de Rachi, à savoir : « de même que les principes généraux et les détails de la chemittah ont été donnés au Sinaï, toutes les mitsvoth ont été données avec leurs principes généraux et leurs détails au mont Sinaï », la difficulté demeure, car on aurait pu dire la même chose à propos de n’importe quelle autre mitsvah. Pourquoi en fin de compte est-ce précisément par la mitsvah de chemittah que la Torah nous révèle que toutes les mitsvoth ont été données au Sinaï dans les moindres détails ?

Nous allons tenter de l’expliquer au mieux. La base de toute la Torah est l’humilité, que l’homme s’abaisse et s’efface devant l’Eternel dans tous ses actes, attitude évoquée par le verset « Que sommes-nous ? » (Exode 16, 7-8). Quand il fait preuve d’une humilité absolue devant le Seigneur, c’est alors qu’il peut observer la totalité des mitsvoth et atteindre la crainte de l’Eternel, ainsi qu’il est écrit : « La conséquence de l’humilité est la crainte du Ciel » (Proverbes 22, 4). Or on sait que l’humilité s’apprend du mont Sinaï, comme l’ont dit les Sages : « Pourquoi la Torah a-t-elle été donnée au mont Sinaï et non sur une autre montagne (ainsi qu’il est écrit : « Pourquoi jalousez-vous la montagne que Dieu a désignée pour Sa résidence ? » (Psaumes 68, 17)) ? Parce que le mont Sinaï s’est abaissé et a fait preuve d’humilité, c’est pourquoi la Torah a été donnée sur lui » (Sotah 5a, Yalkout Chimoni Chemoth 284). Cela rappelle les paroles de la Guemara : « Pourquoi la Torah a-t-elle été donnée dans le désert ? Pour que l’homme se rende disponible à tous comme le désert » (Nédarim 55a), et on apprend cette attitude du mont Sinaï.

Nous savons qu’il est dit de Moïse : « L’homme Moïse était le plus humble des hommes de la terre » (Nombres 13, 3). Il a appris cette humilité du mont Sinaï, et à ce propos les Sages nous disent : « Moïse a reçu la Torah du Sinaï » (Avoth 1, 1), ce qui signifie qu’il l’a reçue à cause de l’humilité apprise du mont Sinaï, au point que dans son immense modestie il a encore dépassé celle de la montagne pour devenir véritablement le plus humble de tous les hommes de la terre. (Nous avons déjà évoqué cette idée en plusieurs endroits dans notre parachah, et ce n’est pas ici le moment de s’étendre).

Or nous devons faire un raisonnement a fortiori : si une montagne, faite de sable et de pierres et sans intelligence, peut arriver à l’humilité, à combien plus forte raison l’homme qui a l’intelligence et a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu doit-il arriver à l’humilité et même surpasser celle du mont Sinaï, et combien plus encore un homme qui possède la Torah doit-il y parvenir ! Car les Sages ont dit : « Les paroles de Torah ont été comparées à l’eau, ainsi qu’il est dit : « L’eau désigne toujours la Torah » (Baba Kama 17a), et aussi « De même que l’eau coule d’un endroit élevé vers un endroit plus bas, la Torah ne se maintient que chez celui qui s’efface et se conduit avec humilité » (Ta’anith 7a).

Dans la Torah, le sujet de l’humilité apparaît en plusieurs endroits. Ainsi, qu’y a-t-il pour nous de plus important que le Sanctuaire et le Temple, construits de bois et de pierre, et dont il est pourtant dit : « La gloire de l’Eternel remplit le Sanctuaire » (Exode 40, 34) ? Ils incarnent l’idée que bien que la gloire de Dieu remplisse toute la terre (voir Psaumes 72, 19), ainsi qu’il est écrit : « Est-ce que Je ne remplis pas tout le ciel et toute la terre, parole de l’Eternel ? » (Jérémie 23, 24), et qu’aucun endroit n’est vide de Lui, ainsi que l’écrit longuement le Rambam dans les principes de la Torah, Il a tout de même choisi de résider uniquement dans une demeure de bois et de pierre.

Cette idée figure déjà en allusion dans le Midrach (Yalkout Chimoni Chemoth 365) selon lequel Moïse s’étonnait et tremblait, ne comprenant pas comment on peut construire un Temple à Dieu, alors qu’il est écrit : « Le ciel et les cieux du ciel ne peuvent Le contenir » (I Rois 8, 27), et moi, être humain, je vais lui construire un Temple ? Alors, l’Eternel lui a répondu qu’il voulait précisément demeurer parmi les benei Israël : « Je résiderai parmi eux ». L’homme doit lui aussi apprendre du Créateur à être rempli de la gloire de Dieu et non de sa propre gloire, dans l’esprit de l’affirmation des Sages : « Quiconque poursuit les honneurs, les honneurs le fuient » (Tan'houma Vayikra 3). Quand la gloire de Dieu emplit-elle l’homme ? Uniquement quand il sanctifie sa parole, ses actes et sa pensée, le tout dans un esprit d’humilité. C’est cela la volonté de Dieu, et alors se réalise en lui le verset : « Faites-Moi un sanctuaire et Je résiderai parmi eux » (Exode 25, 8), en chacun d’entre eux.

L’homme doit aussi tirer la leçon des sacrifices qui sont offerts sur l’autel dans le Temple. En effet, tous les actes qui l’accompagnent doivent être accomplis dans un esprit de sacrifice de soi (la Guemara (Bérakhoth 17a) dit à propos du jeûne  que l’homme doit s’imaginer qu’il est lui-même sacrifié, que sa cendre est versée et son sang répandu sur l’autel. Alors il sera agréable à l’Eternel...). On apprend tout cela du bois, de la pierre et de la poussière dont est construit le Temple, et qui symbolisent l’humilité, puisqu’aucun des métaux qui symbolisent la guerre, l’orgueil et l’amour des honneurs ne doit être utilisé.

Tout cela va dans le même sens : l’homme doit se conduire avec une humilité totale et suivre la voie de Moïse qui a appris cette attitude du mont Sinaï. Quant aux questions que nous avons posées précédemment à propos des mitsvoth de la chemittah, nous allons maintenant y répondre brièvement. Les Sages affirment (Yalkout Chimoni Chemoth 283) qu’au moment du don de la Torah, le mont Sinaï a été enlevé de son emplacement primitif et suspendu au-dessus des benei Israël. Sur le verset « Ils se tinrent au bas de la montagne » (Exode 19, 17), la Guemara enseigne que le Saint béni soit-Il a renversé sur eux la montagne comme une cuve et leur a dit : Si vous acceptez la Torah, tant mieux, sinon ce sera ici votre tombeau » (Chabath 88a).

C’est difficile à comprendre. Pourquoi le Saint béni soit-Il a-t-Il dû arracher la montagne de sa place et la renverser sur eux comme une cuve, alors qu’Il aurait pu obtenir le même résultat de toute autres façon ?

On ne voit pas non plus pourquoi Il a dit aux benei Israël « Si vous acceptez la Torah, tant mieux » ? Craignait-Il donc qu’ils ne l’acceptent pas, alors qu’ils avaient déjà dit explicitement « Nous ferons et nous écouterons » (Exode 24, 7), ce qui montre qu’ils l’acceptaient sans aucune restriction ? Alors pourquoi rajouter cette condition ?

Il faut encore comprendre pourquoi Il les a menacés que cela devienne leur tombeau. Il aurait pu leur laisser craindre une mort ordinaire, ou une attaque des bêtes sauvages qui se trouvaient dans le désert. Est-ce uniquement cette menace de la montagne au-dessus d’eux et du châtiment de cette mort particulière qui a parue utile au Saint béni soit-Il ?

Essayons d’expliquer tout cela en accord avec ce que nous avons dit jusqu’à présent. Le mont Sinaï symbolise l’abaissement et l’humilité, et on peut apprendre de lui comment s’abaisser devant Dieu et se conduire humblement, en sachant devant Qui on se tient (Testament de Rabbi Eliezer le Grand, 18). Chacun peut en cela imiter Moïse. Mais il n’est pas facile d’arriver comme lui à apprendre d’une montagne qui n’entend pas, ne parle pas, et dont personne ne comprend la langue. Cela exige le niveau de Moïse notre maître, qui a vu avec la plus grande clarté possible ce qu’aucun autre être humain ni aucun autre prophète n’a vu (Yébamoth 49b). Aucun autre n’est arrivé à apprendre l’humilité de la montagne, car ce n’est pas du tout une chose aisée. C’est pourquoi il n’est pas écrit : « Josué a reçu de Moïse » (dans Avoth ch. 1) mais « Il l’a transmise à Josué ». Cela signifie qu’il ne lui était pas possible de recevoir de Moïse, car lui a dépassé ce qu’il avait reçu du mont Sinaï en s’élevant plus encore que cette montagne elle-même pour en arriver à son propre niveau : Moïse notre maître est le père de tous les prophètes (Vayikra Rabah 1, 15), il est allé plus loin que n’importe quel autre homme, car le mont Sinaï a dit : « Je suis petit », et Moïse a dit « Que sommes-nous ? » (Exode 16, 7-8), ce qui montre qu’il avait dépassé la montagne. C’est pourquoi il est écrit « Il l’a transmise à Josué, et Josué aux Anciens, et les Anciens aux prophètes » (Avoth 1, 1), ce qui signifie qu’ils ne l’ont pas reçue de Moïse – du mont Sinaï, mais que Moïse a transmis les voies de l’humilité à Josué pour que celui-ci apprenne comment arriver à cette humilité qu’il avait reçue du Sinaï, sans plus ; puis Josué a transmis les voies de l’humilité aux Anciens et ainsi de suite, chacun selon ses capacités et pas davantage que le précédent, car ils ne pouvaient pas dépasser le mont Sinaï.

Nous comprenons maintenant parfaitement pourquoi la montagne a été suspendue au-dessus des benei Israël. C’est parce que l’homme doit apprendre les voies de l’humilité et de l’effacement du mont Sinaï, et lorsqu’il se départit de cette humilité devant Dieu et commence à s’enorgueillir, là se trouve son tombeau (c’est pourquoi l’expression utilisée est : là se trouve votre tombeau »). C’est aussi pourquoi Il ne les a pas menacés d’un autre châtiment, comme les bêtes sauvages ou autre. En effet, l’orgueil et l’amour des honneurs chassent l’homme du monde (Avoth 4, 21), et même s’il s’agit d’un talmid ‘hakham qui étudie et affirme : « Nous ferons et nous écouterons », lorsque son cœur s’élève et s’emplit d’orgueil, il se met à utiliser la Torah à son propre profit (Avoth 4, 7), ce qui est absolument interdit, et il est dit de lui « celui qui utilise la couronne disparaîtra » (Avoth 4, 7). Il passe et disparaît du monde parce qu’il s’est enorgueilli, et alors, ici sera son tombeau ! Ainsi qu’il est écrit : « Ils se tinrent en bas de la montagne », pour être encore moins que la montagne du Sinaï, pour s’élever dans l’humilité comme l’avait fait Moïse en disant : « Que sommes-nous ? » (Véna’hnou mah). Mah a la valeur numérique de Adam (« homme »), ce qui signifie qu’il voulait dire : Je ne suis même pas un homme, ni de la terre (adamah) ! C’est pourquoi le Saint béni soit-Il a utilisé précisément cette façon de dire à l’homme en allusion comment acquérir la Torah et les mitsvoth : par l’humilité.

Et si nous avons raison, nous comprendrons parfaitement pourquoi la Torah a cité le mont Sinaï dans la parachah de la chemittah (et non à propos d’une autre mitsvah, pour répondre à la troisième question). La Torah fait en effet allusion à la vie de l’homme qui est de soixante-dix ans, ainsi qu’il est écrit : « Les jours de nos années sont de soixante-dix ans » (Psaumes 90, 10). Ce laps de temps est le seul pendant lequel il soit possible de se perfectionner, car ensuite c’est un Chabath total pour la terre et il devient impossible de modifier quoi que ce soit (voir Pitou’hei ‘Hotam du Rav Ya’akov Abou’hatseira sur la parachat Béhar). Nous pourrons également comprendre ainsi le rapport avec la parachat Bé’houkotaï : Il est écrit « Si vous marchez dans Mes statuts » (Lévitique 26, 3), ce qui signifie « Si vous vous consacrez à l’étude de Ma Torah » (Torath Cohanim Ibid.). Quand l’homme se considérera comme cendre et poussière (à l’instar du mont Sinaï), comme une terre laissée à l’abandon, alors il pourra en arriver à l’observance des mitsvoth et à l’étude de la Torah, car elle ne se maintient que chez celui qui est humble (Ta’anith 7a). N’importe qui est capable d’étudier avec orgueil, il n’y a rien de plus facile. Mais être un talmid ‘hakham doué d’une si grande modestie que toutes ses paroles se font entendre avec douceur (voir Ecclésiaste 9, 17), pour cela il faut travailler énormément.

C’est pourquoi l’homme doit se rappeler sans cesse le mont Sinaï, c’est-à-dire s’incliner et se conduire envers Dieu avec une humilité et un abaissement constants, et se rappeler qu’au moment où il s’enorgueillit, il est dit de lui « Tout orgueilleux est en horreur à l’Eternel » (Proverbes 16, 5), car il poursuit les honneurs, à l’inverse du mont Sinaï qui les a fuis, et là sera son tombeau.

Il y a plus. La mitsvah de chemittah en elle-même est une allusion à l’humilité et à l’abaissement. Outre le fait que la septième année, tous sont égaux, riches et pauvres, le repos de la terre rappelle qu’elle est basse, cendre et poussière, et que tout homme la foule aux pieds et en fait ce qu’il veut... de même l’homme doit se conduire avec humilité et ne pas s’attacher aux biens de ce monde, sans quoi il ne pourra pas faire siennes la Torah et les mitsvoth  pendant les soixante-dix ans où il se trouve sur terre.

Il est écrit : « la terre chômera pour l’Eternel », « pendant six ans tu sèmeras ton champ (...) et la septième année un chômage absolu sera accordé à la terre ». Cela signifie que l’homme doit tirer la leçon de la terre qui se met en chômage et s’abaisse, et même s’il a travaillé pendant six ans dans la Torah et la crainte du Ciel, il doit apprendre l’humilité précisément de la septième année, du chômage absolu de la terre. Sans compter que la terre est basse, ce qui ne l’empêche pas d’accomplir la volonté de l’Eternel en faisant pousser de grands arbres au bord de l’eau, de même l’homme doit s’abaisser et s’humilier continuellement devant l’Eternel, mais sans oublier pour autant de faire Sa volonté, de s’élever et de donner une multitude de fruits au moyen de l’eau qui est la Torah, comme l’ont dit les Sages : « L’eau représente toujours la Torah » (Baba Kama 17a), comme l’affirme le texte : « Venez, vous tous qui êtes assoiffés, allez vers l’eau » (Isaïe 55, 1).

Ce que nous venons de dire va nous permettre d’expliquer au mieux toutes les questions du Admor de Satmar. La répétition est claire : la première fois, il est question de la terre elle-même, pour nous enseigner les mitsvoth de la chemittah à proprement parler, alors que la deuxième fois il est dit : « Pendant six ans tu sèmeras ton champ (...) et la septième année un chômage absolu sera accordé à la terre », ce qui est destiné à enseigner à l’homme la nécessité d’étudier l’humilité de la terre, car c’est uniquement ainsi qu’il pourra vivre pleinement sa vie pendant ses soixante-dix ans en ce monde. Cet enseignement figure également dans la parachat Bé’houkotaï, avec le verset : « Le battage de vos grains se poursuivra jusqu’à la vendange » (Lévitique 26, 5), car on sait que l’homme doit toujours voir son propre abaissement et la grandeur du Créateur, comme l’écrit le Rambam (Hilkhoth Yessodei HaTorah 2, 2). S’il se conduit ainsi, toute sa vie se passera dans le repentir, il ne péchera pas et il pourra arriver à la perfection. C’est cela « Le battage de vos grains (DAÏCH) se poursuivra jusqu’à la vendange », car le mot DAÏCH (« battage ») est composé des mêmes lettres que CH-A-D-AÏ (voir l’ouvrage Ilana De’hayeï), un des Noms de l’Eternel. Cette bénédiction ne peut se réaliser que lorsqu’on regarde sa propre bassesse par opposition à la grandeur de Dieu. Comment y parvenir ? Quand l’homme contemple la terre et ce qui pousse en elle, il se souviendra de ce que disent les Sages : « Sache d’où tu viens et où tu vas » (Avoth 3, 1), et tu comprendras que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière (Genèse 3, 19). C’est uniquement de cette façon qu’il peut arriver à la perfection pendant les soixante-dix ans de sa vie en ce monde, en apprenant de la terre pendant toute sa vie, particulièrement la terre qui n’a pas d’intelligence, d’esprit ni d’âme, et qui malgré tout connaît son rôle dans le monde. A plus forte raison l’homme, qui a été créé à l’image de Dieu et possède une âme, se doit de connaître son rôle en ce monde. Il doit également tirer la leçon du mont Sinaï, qui, bien qu’il soit plus haut que la terre, a senti qu’il n’existait pas, a fui les honneurs et s’est abaissé. C’est ainsi que l’homme doit lui aussi se comporter, sans quoi ici sera son tombeau. Ce n’est pas donc pas par hasard qu’on trouve partout de la cendre et de la poussière : c’est pour rappeler à l’homme le jour de la mort afin qu’il ne s’enorgueillisse pas.

Ceci répond à merveille à la deuxième question du Admor de Satmar : c’est justement ici, dans la mitsvah de chemittah, qu’on apprend que toutes les six cent treize mitsvoth de la Torah avec leurs principes généraux et leurs détails, viennent du Sinaï, et on trouve en allusion l’idée de se conduire avec humilité et abaissement dans l’expression « Chabath pour l’Eternel », en l’honneur du Nom de l’Eternel, car il n’est possible d’acquérir toutes les mitsvoth que par l’humilité, afin qu’elles soient accomplies pour l’amour du Ciel comme il convient. L’humilité est le principal et le fondement de la Torah, c’est pourquoi ici, dans la mitsvah de chemittah, on la trouve en allusion, selon le désir de l’Eternel.

Tout cela explique aussi parfaitement la question de Rav Zoucha, frère du No’am Elimélekh, sur le verset « Quand vous direz : que mangerons-nous la septième année (...) J’ordonnerai pour vous ma bénédiction ». Car d’après ce que nous avons dit, chacun doit apprendre l’humilité de la terre, mais tout le monde n’est pas capable d’atteindre le niveau de Moïse qui a appris l’humilité du mont Sinaï (comme nous l’avons expliqué ci-dessus). C’est pourquoi le verset dit : « Quand vous viendrez dans le pays ». Cela signifie que quand l’âme vient en ce monde matériel et terrestre, elle ne peut pas apprendre de la terre, bien que le nom de l’homme (Adam) soit une allusion au nom de la terre (Adama), et qu’il ait été tiré d’elle, mais il n’en reste pas moins qu’en fin de compte, tout homme doit « chômer en l’honneur de l’Eternel ». C’est pourquoi la question se pose d’elle-même : « Quand vous direz : que mangerons-nous la septième année », chacun va se demander : comment puis-je apprendre de la septième année, de la chemittah et du mont Sinaï ? Alors vient la réponse : « J’ordonnerai pour vous ma bénédiction », c’est-à-dire que par la Torah qui s’appelle « bénédiction », ainsi qu’il est écrit : « Voici la bénédiction etc. » (Deutéronome 33, 1), l’homme peut arriver à comprendre son rôle dans ce monde, et alors il pourra apprendre de la terre, se rappellera le jour de la mort, s’abaissera sans cesse devant l’Eternel et ne poursuivra pas les honneurs, car la Torah vivra en lui uniquement s’il se conduit avec humilité.

Et puisque nous en sommes arrivés là, pour faire le lien avec Béhar, voyons ce que la parachat Bé’houkotaï nous apprend sur l’humilité. Il est écrit : « Je donnerai vos pluies en leur temps, la terre donnera sa production, et l’arbre du champ donnera son fruit. » (Lévitique 26, 4). Cette façon de s’exprimer demande explication : pourquoi est-il dit « vos pluies » au lieu de : « les pluies de l’Eternel » en leur temps, ou encore : « Je donnerai la pluie de votre terre en son temps » comme dans (Deutéronome 11, 14) ?

C’est tout à fait clair d’après ce qui précède, car si l’homme s’investit dans la Torah, fixe des temps d’étude réguliers (ce qui est, comme on l’a dit, la bénédiction qui permet d’acquérir toutes les mitsvoth par l’humilité, attitude qui demande un effort, comme on le sait), va dans les voies de la vérité, qui est la Torah (Bérakhoth 5b), ne s’écarte d’elle ni à droite ni à gauche (non plus que des paroles des Sages, ainsi qu’il est écrit : « Ne t’écarte de ce qu’ils te diront ni à droite ni à gauche » (Deutéronome 17, 11)), et qu’il apprenne sans cesse de la terre comment se comporter avec humilité et abaissement, alors tous ses besoins matériels seront satisfaits par le mérite de la Torah et du travail qu’il y investit, et non en tant que cadeau gratuit de Dieu à l’homme. Celui-ci pourra alors utiliser au service de Dieu tous les biens matériels et terrestres, et cela deviendra vraiment « ses pluies » (mot de la même racine que « ses matérialités »). C’est cela « Je donnerai vos pluies », « vos matérialités », une fois que votre travail les aura rendu vôtres de façon à ce que vous puissiez les dominer et les transformer en spiritualité. Quand l’homme se rendra compte que tout ce qui le préoccupe dans le monde de la matière lui vient de la bonté que Dieu, Qui le lui octroie parce qu’il s’est donné du mal pour la Torah, son amour pour Dieu grandira incomparablement, il Le servira encore mieux, de toute la puissance de ses facultés, et il s’élèvera de toutes ses forces dans le service de Dieu.

C’est cela : « Si vous marchez dans Mes statuts », si vous mettez tout votre effort dans la Torah. A ce moment-là s’accomplira en vous « savoir et comprendre, discerner, apprendre et enseigner, observer et accomplir », car vous comprendrez que tout ne vient que par l’intensité de l’étude, et que c’est la force de cette Torah qui donnera du mérite à l’homme, pas uniquement par la bonté de Dieu, car il y aura travaillé en ce monde. Mais en même temps, il faut savoir que : « Et je donnerai », que tout vient de Dieu ; si l’homme en est conscient, Dieu lui ajoutera tant et plus, et cela deviendra « vos pluies », à savoir « vos matérialités » à vous, et aussi « la terre donnera sa production », vous vous élèverez dans la qualité caractéristique de la terre, qui est l’humilité et l’abaissement. De quelle façon ? « L’arbre des champs donnera ses fruits », ceci quand vous apprendrez de la terre, qui bien qu’elle n’ait aucune intelligence, est malgré tout basse et humble et fait pousser des plantes qui donnent des fruits. De même, vous donnerez vous aussi des fruits de la meilleure qualité pendant toutes vos années sur terre, à cause de l’effort que vous aurez investi dans la Torah, et qui entraîne des fruits.

Heureux celui qui sait qu’il mange les fruits en ce monde par le mérite de son travail, et que le capital lui est gardé pour le monde à venir (il s’agit du bien immense qui est en réserve pour les justes, comme l’ont dit les Sages (Bérakhoth 34b)), tout cela à cause de ses efforts, de son humilité et de son service de Dieu. Sa part sera grande dans le monde à venir, et il est dit à son sujet (Isaïe 64, 3) : « Aucun œil ne l’a vu, Dieu, si ce n’est Toi ». Amen qu’il en soit ainsi.

 

 

Prêter de l’argent à intérêt retarde la Rédemption
Table de matière
La mitsvah de chemittah et l’effort dans l’étude sont une seule et même chose

 

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