L'exploration vise à se mesurer aux épreuves d'Erets Israël

Le premier verset de notre sidrah (Chéla'h Lekha... Envoie pour toi...) présente un certain nombre de questions supplémentaires sur lesquelles nous voudrions nous attarder:

1) Rabbi Yossef Bentata, un de nos étudiants du Kollel de Lyon, voudrait essayer d'établir une analogie entre ce que le Saint, béni soit-Il, a dit à Moché, et ce qu'Il avait dit auparavant à Avraham: Va pour toi (lekha) hors de ton pays, de ton lieu natal... (Genèse 12:1) pour ton bien et ta satisfaction, commente Rachi (loc. cit.; voir aussi Roch HaChanah 16b).

2) D'après ce que les Sages ont dit sur le verset: Il étaient tous des anachim, des chefs de tribus... (Nombres 13:3). Anachim: des personnes importantes. Comment alors comprendre qu'ils aient pu faire une faute aussi grave que la médisance?

3) Pourquoi Moché n'a-t-il prié que pour Yéhochoua', comme nous l'avons vu plus haut et non pour les autres explorateurs, et en particulier pour Caleb, fils de Yéphounéh, qui était assurément intègre lui aussi? Pourquoi lui a-t-il ainsi changé de nom? Il aurait pu prier pour lui sans lui changer de nom. Pourquoi n'a-t-il pas changé le nom des autres explorateurs, ce qui les aurait peut être empêché de commettre ce péché?

4) Comment les explorateurs ont-ils pu convaincre les enfants d'Israël qu'ils ne peuvent monter contre ce peuple, car il est plus fort miménou que nous? (Nombres 13:31) miménou plus fort que le Saint, béni soit-Il, d'après le Talmud (cf. Sotah 35a).

Si notre patriarche Avraham a reçu l'ordre de quitter son pays natal, c'est pour qu'il s'élève dans le service divin. C'est ce qui est écrit: pour ton bien et ta satisfaction Dieu lui commande de s'en aller vers le pays que ar éka Je te montrerai. Il lui demande de s'installer là où or, la lumière du monde entier prend racine, en vue de s'élever au plan spirituel. Car, comme nous le savons, orah, la lumière, c'est la Torah, et celui qui étudie la Torah en Erets Israël, apprend la vraie Torah, celle de la vérité. Le Midrach enseigne d'ailleurs à cet effet qu'il n'est de Torah que celle d'Erets Israël (Sifri Ekev, Béréchith Rabah 16:7).

Quand le Saint, béni soit-Il, a vu les efforts considérables d'Avraham de s'élever et d'élever les autres avec lui (Bérichith Rabah 39:21), ainsi que les nombreuses épreuves qu'il a surmontées, Il lui a commandé de s'en aller vers le pays d'où sort la Torah (cf. Isaïe 2:3; Michée 4:2) et de la propager partout.

Il n'en est pas de même chez les explorateurs. Le Saint, béni soit-Il, a préconisé à Moché de ne pas les envoyer, parce que ce pays est bon, et excellent (Nombres 14:7). Il lui a expliqué que cette exploration est dangereuse et inutile, car les explorateurs sont susceptibles de médire d'Erets Israël. C'est pourquoi Il lui a dit: Envoie toi-même, si tu veux. Je ne te l'ordonne pas.

Moché savait que les Juifs se trouvaient à un niveau spirituel élevé; qu'ils étaient tous alors purs et saints; que la Chékhinah résidait parmi eux (cf. Nombres 16:3). Il était persuadé que c'était le moment propice d'entrer en Terre d'Israël. Il a toutefois décidé d'envoyer les explorateurs, parce qu'il craignait qu'en entrant en Erets Israël, où coulent le lait et le miel (ibid. 14:9), malgré leur haut niveau spirituel... ils ne seraient pas en mesure de surmonter les épreuves qui les y attendaient et se laisseraient séduire par son charme et sa beauté matérielle.

Comme ce qui prime [à l'étude], c'est l'action (Avoth 1,17; Zohar III, 218a, 230a), il a donc préféré y envoyer les chefs des tribus pour voir la vie que les gens y menaient. Il espérait qu'ils se souviendraient du commandement divin de ne pas vous égarer à la suite de votre cœur et de vos yeux (Nombres 15:33), en voyant les habitants du pays qui étaient particulièrement mécréants. C'est la raison pour laquelle ils devaient être anéantis pour que les enfants d'Israël n'adoptent pas leur conduite dépravée, comme il est écrit: N'adoptez point les lois de la nation que Je chasse à cause de vous, car ils ont fait toutes ces choses, et Je les ai pris en aversion (Lévitique 20:23). Les explorateurs pourraient ainsi apprendre à leurs tribus respectives à se préparer et se raffermir avant leur entrée en Erets Israël. Moché avait besoin pour cela de l'acquiescement de Dieu pour envoyer les explorateurs remplir leur mission et quand il le reçut, il les envoya.

Nous nous sommes étendus dans le premier tome Béréchith sur notre patriarche Ya'akov qui sortit de Béer Chéva' et alla à 'Haran (Genèse 28:10). Et s'il a quitté un endroit idéal au plan matériel et spirituel, gâté par Yits'hak et Rivkah, pour se rendre à 'Haran, lieu où sévissait le courroux (Zohar I, 147a), c'est pour apprendre à prendre ses responsabilités, à surmonter les épreuves de la vie. C'est la raison pour laquelle il n'a pas envoyé un messager pour faire le chidoukh avec Ra'hel, comme c'était le cas pour Yits'hak...

On peut illustrer ce cas par l'exemple de l'étudiant de yéchivah qui est totalement engagé dans l'étude de la Torah, s'élève constamment dans la crainte de Dieu et suit la voie de ses maîtres. Cette conduite n'est pas une garantie pour son avenir. Quand il quittera la maison d'étude et devra surmonter les épreuves de la vie, sans l'aide de ses maîtres qui lui montrent la voie à suivre, continuera-t-il à être imprégné de l'atmosphère de sainteté? Si oui, c'était un vrai Tsadik. Si Moché a chargé les explorateurs pour cette mission, c'était pour se rendre compte s'ils étaient intègres, ainsi que leurs tribus respectives, du commencement à la fin, même s'ils ne se trouvaient pas dans le désert enveloppés de Nuées de Gloire. Descendraient-ils de leur niveau en quittant le camp, la yéchivah?

Moché voulait aussi apprendre aux Princes de ne pas rechercher l'honneur en premier lieu, mais plutôt de considérer leur mission comme un asservissement au Peuple d'Israël. Autrement, comme c'était d'ailleurs le cas, ils descendraient de leur niveau spirituel. Le Talmud (Horayoth 10a) rapporte les paroles de Rabban Gamliel à ses disciples, Rabbi Eliézer ben 'Hasma et Rabbi Yossi ben Goudguedah: Croyez-vous que je vous nomme à ce poste pour y exercer votre autorité? Je vise plutôt à vous asservir au bien public (Horayoth 10a) Rachi (loc. cit.) explique que l'autorité, c'est l'asservissement. Celui qui l'exerce doit porter le joug du public, comme il est écrit: Et ils lui parlèrent ainsi: Si aujourd'hui tu t'asservis à ce peuple... (Rois I, 12:7).

Mais comme la mission des explorateurs consistait essentiellement à vaincre leur faiblesse du fait qu'ils ne s'étaient pas encore habitués aux épreuves qu'impliquait l'installation en Erets Israël et qu'ils ne comprenaient pas encore que l'Eternel marchait devant eux, même s'ils n'étaient pas entourés des Nuées de Gloire (notons à cet effet la similitude des valeurs numériques respectives de MéRaGUueLiM les explorateurs et YHVH HOLeKh LiFNeIKheM, et Dieu marche devant vous) Moché n'a pas voulu faire courir un risque aux enfants d'Israël et a ajouté une lettre au nom de Hochéa ben Noun, qui devait les faire entrer en Terre d'Israël. Car d'après le Talmud (Sanhédrine 17a), Eldad et Médad avaient prophétisé (mithnabim) la mort de Moché et que c'est Yéhochoua' qui ferait rentrer le peuple en Israël. Le Baal HaTourim (loc. cit.) décompose mithnabim (prophètisent) en meth néviam (leur prophète est mort); et si, à Dieu ne plaise, ils devaient suivre les conseils des explorateurs, leur prophétie serait annulée. Le peuple d'Israël risquait alors de ne pas avoir de guide... (cf. Emet LéYa'akov, qui suggère une explication différente).

Moché a dû donc ajouter un youd au nom de Yéhochoua' pour le protéger, car il devait être le prochain dirigeant de toute l'Assemblée d'Israël. Et comme le cœur des Rois et des Princes se trouve dans la main de l'Eternel (Proverbes 21:1), comme il est destiné à s'asservir à la communauté d'Israël entière, on peut dire qu'il ne jouit plus de l'exercice de libre arbitre: il nécessite par conséquent une protection spéciale et une grande miséricorde, (Ra'HaMiM GuéDOLIM a la même valeur numérique que YéHoCHOUA' (391), d'autant que Moché savait par avance que le reste des Princes s'efforceraient de le persuader de se mettre de leur côté pour garder leur poste dans le désert.

Calev, fils de Yéphounéh, a toutefois exercé son libre arbitre et est allé se recueillir sur la tombe des patriarches (Sotah 34b; Zohar III, 158b), car il savait qu'il ne dépendait que de lui de prendre la bonne décision. Notons à cet effet la similitude des valeurs numériques de KaLeV et BéYaDéKhaH HI, elle est entre tes mains (52). Le reste des explorateurs auraient dû savoir que s'ils ne voulaient pas trébucher, ils auraient dû écouter leur dirigeant Yéhochoua' et suivre la voie qu'il leur traçait.

Comme nous l'avons vu dans les leçons précédentes de cette sidrah, au départ, les explorateurs étaient intègres parce qu'ils n'avaient pas encore été mis à l'épreuve. Mais dans leur for intérieur, ils avaient d'ores et déjà décidé de parler du mal d'Erets Israël, selon le commentaire de nos Sages (Sotah 35a) du verset: Ils allèrent... et revinrent... (Nombres 13:26). Leur mission était alors d'ores et déjà vouée à l'échec. Si Moché les avait envoyés, c'était essentiellement pour leur apprendre à surmonter les épreuves. Or, voilà qu'ils sont partis dans l'intention de ne pas vouloir les surmonter.

Les explorateurs étaient certes des Tsadikim, mais ils ne ressentaient pas l'obligation de céder leur titre, et de permettre à Yéhochoua' d'exercer son autorité sur eux. Commentant à cet effet le verset: Yits'hak ordonna à son fils Essav de lui apporter du gibier (Genèse 27:3) permis et non illicite (Béréchith Rabah 65:8; Rachi, loc. cit.), mais Essav alla aux champs pour chasser du gibier et l'apporter (Genèse 27:5), le Midrach demande: Que nous ajoute les termes et l'apporter? (Béréchith Rabah 65:13; Rachi, loc. cit.). Essav était prêt d'apporter du gibier illicite, volé s'il ne trouvait rien d'autre. C'est pourquoi, d'après le Targoum Yonathan (loc. cit.), Rivkah, qui avait l'inspiration divine, a demandé à Ya'akov d'aller lui recevoir les bénédictions au lieu d'Essav. C'est le même cas pour les explorateurs qui n'étaient pas prêts à se débarrasser de leur honneur personnel.

Moché n'a pas ressenti le besoin non plus d'ajouter une lettre au nom de Calev, fils de Yéphounéh, car il devait, tout comme les autres explorateurs, exploiter son libre arbitre et apprendre à surmonter les épreuves.

L'homme doit donc veiller constamment à développer ses bons traits, même s'il est un grand Tsadik. Car s'il ne prend en considération que son honneur et ne s'asservit pas au public, il risque de tomber bien bas, à Dieu ne plaise. Le Saint, béni soit-Il, dit à Moché:  Les explorateurs sont susceptibles de s'affaiblir encore plus s'ils vont en Erets Israël. Mais si tu estimes que leur exploration peut engendrer du bien et qu'elle peut les fortifier, alors qu'ils explorent le pays de Cana'an, c'est-à-dire qu'ils voient combien les habitants de ce pays sont dépravés et mauvais à tel point qu'il faut les exterminer pour ne pas suivre leur voie.

Le Saint, béni soi-Il, a donc partagé l'avis de Moché d'envoyer les explorateurs en mission, et d'ajouter un youd au nom de Yéhochoua', parce que Moché estimait que s'ils réussissaient à se débarrasser de leur mauvais penchant/la recherche des honneurs, ils pourraient par la suite apprendre aux enfants d'Israël à effacer leur ego devant Dieu et les hommes.

Toutefois, les enfants d'Israël ont ressenti que cette mission était vouée à l'échec. Ils ont compris que lorsqu'on ressent de la faiblesse au plan spirituel, il convient de se rapprocher encore plus du Saint, béni soit-Il, et que, si Moché a ajouté une lettre de son nom à Yéhochoua', c'était pour le protéger dans toutes ses voies... (Notons la similitude des valeurs numériques de YéHoChOuA' et BéKhoL DéRaKhéKhA Da'EHOu, prends conscience de Lui dans toutes tes voies). Aussi ont-ils veillé à ne pas emprunter des chemins tortueux et à s'abstenir de parler et d'entendre du mal de la Terre d'Israël. Ils ont appris comment fuir les mauvais conseils.

Les explorateurs comprirent que Moché était aussi d'avis que c'était Yéhochoua' qui devait faire entrer les enfants d'Israël en Terre Sainte: qu'il mourrait dans le désert et que c'est Yéhochoua' qui allait les diriger. Ils devaient par conséquent lui obéir, car le Nom de Dieu (YaH) lui garantissait de ne pas succomber à la séduction du mauvais penchant. Ils ont compris que le chemin qu'il emprunte est celui qui conduit à la maison de Dieu. Notons à cet effet que la guématria de YéHoChOuA' est la même que celle de NeLéKha Na BéOR HaCheM (suivons la lumière de Dieu). Ils l'ont tout de même persuadé de se mettre de leur côté. Non seulement, ils ont péché, mais ils voulaient aussi faire pécher Yéhochoua', et nous savons à cet effet qu'à celui qui agit de la sorte, se voit ôter l'occasion de faire téchouvah (Sanhédrin 107b; Avoth deRabbi Nathan 40:3).

Même si on admet le fait que les appréhensions des explorateurs sur Erets Israël étaient justifiées, ils auraient dû les exposer en privé à Moché et non devant toute l'assemblée d'Israël. (Nous avons vu en détail dans une leçon précédente que si Moché n'avait pas envoyé les explorateurs en mission, ils auraient tout de même médit de la Terre d'Israël quand tout le monde y serait rentré et leur péché aurait été infiniment plus grave, pour eux, aussi bien que pour les générations.)

Les explorateurs n'auront pas part au Monde Futur (Sanhédrine 108a; Zohar III, 158a). Car celui qui dit: Je pécherai et m'en repentirai, on ne le lui en donne pas l'occasion (Yoma 88a; Tana Débé Elyahou Rabah 6; Pessikta Rabah 45:1). Quand Moché les a envoyés, ils étaient encore des Tsadikim, car comme nous l'avons vu, le Saint, béni soit-Il, ne joint pas la mauvaise pensée à l'acte: tant qu'ils n'avaient pas médit de la Terre d'Israël, ils étaient considérés comme des hommes intègres, en dépit du fait qu'ils entretenaient des pensées nocives à ce sujet. Toutefois, comme ils les ont mises en pratique malgré les avertissements et les appréhensions de Moché qui a dû ajouter une lettre du Nom Divin à celui de Yéhochoua' pour qu'il ne suive pas leurs conseils, on ne leur offrit pas l'occasion de se repentir et leur péché fut très grave.

A cause d'eux, toute la génération n'a pas eu le mérite d'entrer en Terre d'Israël. Toutes les générations continuent à souffrir à cause de leur péché, comme il est écrit: Puis ils montrèrent du dédain pour un pays délicieux... Et il leva la main contre eux [pour jurer] qu'Il les ferait succomber dans le désert, qu'Il rejetterait leurs descendants parmi les nations et les disperserait dans leurs contrées (Psaumes 106:24-27). Rachi (loc. cit.) explique que la sentence du Saint Temple a été alors immédiatement promulguée, et le Saint, béni soit-Il, leur a dit: Vous avez pleuré sans aucune justification. Moi Je vous fixerai un moment pour pleurer tout au long des générations [le 9 Av]. Car celui qui pèche sciemment en ne veillant qu'à son honneur personnel et ne peut pas s'effacer devant la Gloire de Dieu, se fait payer mesure sur mesure (Sanhédrine 90a; Nédarim 32a), et sa descendance court le risque d'agir de la sorte et d'être punie en conséquence (cf. Sotah 34a). La peur de commettre le péché des ancêtres pour lequel ces derniers ont été punis peut toutefois conduire à vouloir réparer et améliorer la conduite des descendants.

Les tribus de Yéhoudah et Ephraïm ont aussi pleuré cette nuit-là, comme il est écrit: Alors toute la communauté se souleva en jetant des cris, et le peuple passa la nuit à gémir (Nombres 14:1). La sentence divine a été prononcée contre elles également, en dépit du fait que leurs Princes, Caleb et Yéhochoua', ne s'étaient pas laissés séduire par les conseils des explorateurs. Le deuil que nous prenons, la prise de conscience de l'origine de la destruction du Premier et Second Temples, la médisance qui conduit à la haine gratuite (Guitin 56a), contribuent à nous éveiller. Nous veillerons alors à ne pas avoir les mauvais traits dont les explorateurs avaient imprégné les enfants d'Israël. Malheureusement, même après leur entrée en Terre Sainte, leurs enfants n'ont pas détruit les idoles des nations et ils ont appris leur conduite.

Les explorateurs avaient été envoyés en Terre d'Israël pour qu'ils voient le comportement de ses habitants et comprennent pourquoi le Saint, béni soit-Il, leur a ordonné de les anéantir et d'hériter leur territoire, comme il est écrit: Car toutes ces horreurs, ils les ont commises, les gens du pays qui vous ont précédés, et le pays est devenu impur (Lévitique 18:27). Le Torath Cohanim (Kédochime 20:22) explique à cet effet que la terre ne peut pas tolérer les pécheurs. Au lieu de veiller à la Gloire de leur Créateur, dont le pays contenait encore des idoles, les explorateurs ont veillé à leur honneur personnel. Il incombe à leurs enfants de corriger ces mauvais traits. Autrement, ce sont eux qui seront châtiés pour la faute de leurs ancêtres. C'est ce qui est écrit dans notre section hebdomadaire: faisant justice du crime des pères sur les enfants (Nombres 14:18).

Considérons maintenant comment en fait les explorateurs ont persuadé les enfants qu'ils avaient raison et qu'ils couraient un risque en entrant en Israël, et quels sont les arguments de Calev et Yéhochoua' qui se sont opposés à eux.

Commentant à cet effet le verset: Chem et Yefet Vayika'h prirent [littéralement prit] la couverture, la déployèrent sur leurs épaules, et marchèrent à reculons... (Genèse 9:23), Rachi explique le verset: Le verset stipule vayika'h et non vayik'hou au pluriel, pour montrer que Chem a déployé plus d'efforts à accomplir la mitsvah. C'est pourquoi sa descendance a mérité le talith avec des franges. Yéfet, quant à lui, a eu le mérite d'avoir une sépulture pour ses enfants, comme il est écrit: Je donnerai à Gog un lieu de sépulture en Israël (Yé'hezquel 39:11). Nous voyons de là que c'est grâce au mérite de Chem, qui a couvert son père, que les enfants d'Israël ont été dignes d'une mitsvah aussi importante, qui équivaut à l'ensemble des commandements divins (cf. Nombres 15:39-40) et où figure le Nom de Dieu par allusion (Zohar III, 227a, 228a). Quant à Yefet, qui n'a fait qu'aider son frère, c'est grâce à lui que sa descendance, Gog et Magog, a eu droit à une sépulture, en dépit du fait qu'ils étaient les grands ennemis d'Israël. Car le Saint, béni soit-Il, paie mesure pour mesure et fait justice à toutes Ses créatures (Bava Kama 38b; Bamidbar Rabah 12:11; Zohar II, 100a).

Les explorateurs ont soutenu Nous ne pouvons marcher contre ce peuple, car il est plus fort que nous (Nombres 13:31). Ils voulaient dire en d'autres termes que le mérite des habitants du pays est plus grand que le leur: le Saint, béni soit-Il, est incapable de les anéantir... Cette terre, affirmèrent-ils dévore ses habitants (ibid. 13:32). Comme nous l'avons vu dans une leçon précédente, là où ils allaient, ils voyaient des gens enterrer leurs morts (Rachi, loc. cit, Sotah 35a). Les explorateurs expliquèrent aussi: Quant au peuple que nous y avons vu, ce sont tous des gens de midoth (haute taille) (ibid.), c'est-à-dire intègres, doués de bons traits (midoth) qui accomplissent le dernier devoir avec leurs morts, la vraie bienfaisance (Béréchith Rabah 96:5). Les explorateurs considéraient donc que cette grande mitsvah protège les habitants du pays de Cana'an et affaiblit le pouvoir du Tout-Puissant, à Dieu ne plaise, de prêter assistance aux enfants d'Israël.

En vérité ils se trompaient, parce qu'en fait les habitants du pays étaient des méchants notoires et leur comportement était plus exécrable que celui de toutes les nations. Comme nous l'avons vu, s'ils enterraient leurs morts avec tous les honneurs qui leur sont dus, c'est parce que dans sa grande bonté, le Saint, béni soit-Il, voulait les occuper pour ne pas qu'ils se rendent compte de la présence des explorateurs dans leur pays. Ils n'ont donc aucun mérite.

Calev, fils de Yéphounéh, a rassuré les enfants d'Israël: Ne craignez point le peuple de ce pays, car ils seront notre pâture: leur ombre les a abandonnés et l'Eternel est avec nous (Nombres 14:9). S'ils enterraient leurs morts, il n'ont aucune récompense: c'est comme quelqu'un qui enterre son animal, sur lequel on ne distingue pas l'ombre de Dieu. D'ailleurs, le Zohar (I, 47a) compare les nations à des bêtes et si de leur vivant, les méchants sont considérés comme morts (Bérakhoth 18b; Béréchith Rabah 39:7), à leur mort, à plus forte raison. Commentant à cet effet le verset: Tenez-vous ici avec ('IM) l'âne (Genèse 22:5), les Sages (Yébamoth 62a; Vayikra Rabah 20:2) comparent le peuple ('AM) à un âne.

Ra'hav a dit à Yéhochoua': Jurez qu'à votre tour, vous agirez avec bonté envers la maison de mon père, et m'en donnerez un gage de vérité (Josué 2:12): en d'autres termes, nous les nations sommes considérées comme des morts, même de notre vivant; nous n'avons pas d'ombre de Dieu. Par conséquent, si vous venez à notre secours, nous le considérerons comme un 'hessed chel émeth, un acte de bienfaisance de vérité, le dernier service qu'on rend au mort. Toutefois, à notre mort, nous serons considérés, comme des animaux et vous n'aurez pas agi avec bonté à notre égard, car l'acte réel de bonté et de vérité, seuls les morts d'Israël en sont dignes et dans ce cas, c'est le Saint, béni soit-Il, qui paie la récompense au lieu du mort qui ne peut pas payer.

 

 

Erets Israël s’acquit par le sacrifice
TABLE DE MATIERE
Des vertus de l'étude du moussar et la rectification des traits

 

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