Erets Israël s’acquit par le sacrifice

Commentant le verset: Envoie toi-même des hommes pour explorer le pays de Cana'an... (Nombres 13:2), Rachi rapporte le Midrach (Tan'houma, loc. cit. 5): Envoie-les si tu le veux. Moi, Je ne te le commande pas. Cette explication  pose un certain nombre de questions:

1) Si le Saint, béni soit-Il, n'a pas ordonné expressément à Moché d'envoyer les explorateurs, pourquoi les a-t-il envoyés?

2) Pourquoi Moché a-t-il ajouté un youd au nom de Yéhochoua' (Nombres 13:15) et prié pour lui: Que YaH l'Eternel te sauve du complot des explorateurs (Bamidbar Rabah 16:7). Ne savait-il pas qu'au départ même, les explorateurs étaient décidés à parler du mal de la Terre. Rappelons ici à cet effet l'enseignement du Talmud (Sotah 35a) et du Midrach (Yalkout Chimoni, loc. cit.) selon lequel: leur départ s'est fait dans les mêmes conditions que leur retour. Pourquoi donc Moché les a-t-il envoyés?

3) Comment peut-on concevoir que ces hommes, chefs (des tribus) des enfants d'Israël (Nombre 13:3), qui étaient d'après Rachi, intègres à leur départ, aient tant chuté en calomniant sur la sainteté d'Erets Israël.

C'est que Moché craignait de faire entrer tous les enfants d'Israël en même temps en Erets Israël, parce qu'il savait qu'ils y trouveraient des géants et des fruits étranges. Les plus faibles commenceraient alors à avoir peur et à médire de la Terre et de sa sainteté. Leur châtiment aurait alors été beaucoup plus sévère, et qui sait combien de milliers seraient tombés. N'oublions pas non plus de prendre en considération le châtiment des générations suivantes.

C'est pourquoi Moché prit l'initiative d'envoyer des explorateurs pour se rendre compte de la situation exacte du pays. Il les avertit qu'ils y trouveraient des géants, mais leur recommanda de ne rien craindre. En fait, Moché voulait livrer combat à l'ennemi par des moyens naturels, sans l'assistance divine. Il pensait donc que ces explorateurs prépareraient un plan de combat destiné à battre l'ennemi: les enfants d'Israël s'en enthousiasmeraient aussi et se dévoueraient corps et âme pour la victoire finale. Moché savait toutefois que les explorateurs pouvaient ne pas être en mesure d'affronter les épreuves et d'en sortir vainqueurs.

Tant que les explorateurs se trouvaient dans le camp, ils étaient intègres: les grandes épreuves commencent quand on en sort. Les explorateurs savaient que s'ils entraient en Terre d'Israël, ils perdraient leur statut de Princes, au profit des enfants d'Israël et ils devaient ne parler que du bien sur la Terre en ne pensant qu'au bien qui en sortirait pour leurs frères. Mais, comme Moché savait par avance qu'ils n'étaient pas prêts à ces concessions, il décida de leur faire mener le combat par des moyens naturels. Ces Princes devaient faire preuve de modestie pour le bien de leurs frères, et s'ils entraient en contact avec des géants, ils ne devaient pas en être effrayés, car l'Eternel est le maître des batailles (Exode 15:3) et avec Son assistance, ils pouvaient vaincre l'ennemi.

Moché voulait savoir comment sont les villes: des villes ouvertes ou des places fortes (Nombres 13:19). S'il s'agit de places fortes, il faut se servir d'un armement lourd, et s'il s'agit de villes ouvertes, des armes légères suffiraient. Si Moché a ajouté un youd au nom de Yéhochoua', c'est parce qu'il craignait qu'il soit affecté par la frustration et l'orgueil des explorateurs, la gaavah qui n'appartient qu'à Dieu (GaAVaH a la même valeur numérique que YaH = 15).

Moché, chala'h, a donc envoyé les explorateurs qui étaient alors intègres. Il savait aussi qu'ils étaient faibles, 'halach(im) [les mêmes lettres que 'halach]. Il les a envoyés pour raffermir leur foi et préparer un plan de bataille contre l'ennemi par des voies naturelles.

D'ailleurs, les explorateurs aimaient la Terre d'Israël, bien qu'ils aient dit du mal d'elle par la suite, autrement ils n'y seraient pas restés quarante jours (cf. Nombres 13:25). Ils auraient pu revenir immédiatement et dire à Moché: Nous avons vu des géants, ainsi que des fruits étranges, qui nous ont effrayés. Ils étaient intègres au départ parce qu'au fond de leur cœur, ils aimaient la Terre. Mais leur faiblesse les a conduits à l'orgueil et la poursuite des honneurs, et le Peuple d'Israël eut à en souffrir beaucoup dans le désert, à l'exception de Calev et Yéhochoua' qui se sont effacés devant Moché et ont essayé de rassurer le peuple, comme il est écrit: Ne craignez point le peuple de ce pays, car ils seront notre pâture. Leur ombre les a abandonnés, et l'Eternel est avec nous! (ibid. 14:9).

Nous pouvons ainsi mieux comprendre le rapport entre la sidrah de Béha'alotékha et Chéla'h.

Comme nous l'avons vu, Rachi cite le Midrach (Tan'houma, loc.cit. 5) où il est rapporté  que les explorateurs n'ont pas tiré de leçon en voyant Miriam atteinte de lèpre, blanche comme la neige, parce qu'elle avait médit de son frère Moché. Le lien ne semble pas assez consistant: en effet, Miriam a médit d'un être humain et a été punie, alors que les explorateurs ont parlé du mal de la Terre (monde minéral qui n'est pas sensible à la honte et la calomnie). Comment peut-on savoir qu'il est interdit de parler du mal de la Terre Sainte?

C'est que Moché était tellement humble qu'il se considérait comme de la adamah (terre) et si Miriam a parlé du mal d'un adam, c'est comme si elle avait médit de la adamah, d'où vient adam... (cf. Nombres 12:3). Les explorateurs auraient donc dû apprendre qu'il est interdit de parler du mal même de la Terre! Comme Moché ne voulait pas exposer le peuple d'Israël au danger (cf. Chabath 32a), et a préféré qu'ils ne rentrent pas en Israël: toute la génération qui s'est laissée persuader par les arguments des explorateurs devait périr dans le désert.

Comment peut-on distinguer la vraie modestie de la fausse, qui est en fait de l'orgueil caché! Prenons l'exemple du responsable de la synagogue qui a trouvé sa place occupée par un étranger! S'il est vraiment modeste, l'incident ne le fâche pas du tout, et il ne dit rien à celui qui s'est assis à sa place. Cet homme ne savait probablement pas que ce siège appartenait au responsable. Autrement, il n'aurait pas osé l'occuper. L'incident est donc clos. Mais si le responsable se fâche contre notre homme, il montre qu'il est avant tout un faible de caractère, qui ne cherche que l'honneur personnel.

C'était exactement le cas des explorateurs. D'une part, ces Princes des tribus étaient des Tsadikim, mais de l'autre, comme ils ne recherchaient que la gloire personnelle, ils ont osé ouvrir la bouche pour parler du mal de la Terre d'Israël... Ils ont fait en outre preuve d'ingratitude envers la terre qui soutient l'homme. Leur châtiment a donc été très sévère!

Lors de notre séjour en Autriche, Mr. le Grand Rabbin Eisenberg, a dispensé un enseignement selon lequel Moché savait d'une part livrer le combat de Dieu, comme il est écrit: L'Eternel est le Maître des batailles (Exode 15:3) et de l'autre, il était le plus humble des hommes qui fût sur terre au plan personnel, même s'il devait supporter une offense. L'Eternel est le Maître des batailles: aspect de jugement divin; Eternel est Son nom (loc. cit.), aspect de miséricorde, vis-à-vis de Ses créatures. Les explorateurs auraient dû imiter notre maître Moché et s'imprégner à leur tour de ces deux attributs. Comme ils n'ont appris ni de Moché, ni de Miriam, ils ont été anéantis de la surface de la terre, car ce n'est qu'en se dévouant pour la Terre et en surmontant les épreuves qu'elle présente, qu'on l'acquiert.

 

Une voix céleste...
TABLE DE MATIERE
L'exploration vise à se mesurer aux épreuves d'Erets Israël

 

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