L’amour d’Israël amène la rédemption

« Israël étendit sa main droite, la posa sur la tête de Ephraïm qui était le plus jeune mit sa main gauche sur la tête de Ménaché. Il croisa ses mains, bien que Ménaché fût l’aîné » (Béréchith 48:14). Nous relevons alors un désaccord entre Yossef et Ya’akov (ibid. v.17-19): « Yossef remarqua que son père posait sa main droite sur la tête d’Ephraïm et cela lui déplut.... et il dit à son père: Pas ainsi mon père! car celui-ci est l’aîné... Son père s’y refusa et dit: Je sais, mon fils, je sais. Lui aussi sera grand, mais son jeune frère sera plus grand que lui, et sa postérité formera plusieurs nations ».

Il faut expliquer cet épisode. Les Sages ont dit (Chabath 10a; Yalkout Chimoni Vayechev 150): « Parce que Ya’akov préférait Yossef à ses autres enfants, il lui fit faire une tunique précieuse, ce qui causa la jalousie de ses frères et conduisit nos ancêtres en Egypte ». S’il en est ainsi, pourquoi croise-t-il les mains et place-t-il sa main droite sur la tête d’Ephraïm, le plus jeune enfant, au risque de provoquer la jalousie de Ménaché? De plus il dit (verset 20): « Que D. te fasse devenir comme Ephraïm et comme Ménaché ». Pour quelle raison le plus jeune est-il mentionné avant l’aîné? S’il les a bénis d’une telle bénédiction, pourquoi la Torah ajoute-t-elle: « Et il plaça Ephraïm avant Ménaché »?

Une telle priorité serait source de jalousie, et Yossef demanda à Ya’akov; son père, de placer sa main droite sur la tête de Ménaché, le premier-né. Mais Ya’akov mit intentionnellement Ephraïm et Ménaché à l’épreuve, de même qu’il mit à l’épreuve ses propres enfants afin de vérifier qu’ils s’étaient réconciliés de tout cœur avec Yossef. La concorde est à la base de leur avenir. Si leurs descendants savent s’effacer les uns devant les autres, leurs fautes seront pardonnées (Yoma 23a; Méguilah 28a). En se conduisant avec respect envers son prochain, en pensant tout d’abord au bien de son prochain, on garantit de bonnes relations sociales, des relations de respect et d’amour.

Pour mettre ses petits-fils à l’épreuve, Ya’akov dit tout d’abord: « Qui sont-ils? » (ibid. 48:8). Rachi explique: « D’où viennent ces enfants qui ne méritent pas la bénédiction? Car Ya’akov eut la vision que Yérouvam et A’hav naîtraient d’Ephraïm, et que Yéhou et ses enfants naîtraient de Ménaché (Tan’houma Vayé’hi 6) et il en fut troublé ». Si tous deux ont des descendants également mauvais, il faut se demander pourquoi il donna la préférence à l’un d’eux, si ce n’est pour les mettre à l’épreuve et savoir s’ils accepteraient cette préférence et continueraient à s’aimer. Dans ce cas, les fils des autres tribus aussi apprendraient à vivre en paix les uns avec les autres, sans conflit. Yossef fit remarquer à son père son erreur, mais les tribus acceptèrent la décision de Ya’akov et résolurent de se conduire avec amour les unes envers les autres. « Il plaça Ephraïm avant Ménaché », au vu et au su de tous, afin que tous sachent qu’ils ne devaient pas se jalouser mais se conduire avec fraternité et amour les uns envers les autres.

La suite du récit devient claire. Il est écrit (ibid. 49:1-2): « Ya’akov fit venir ses fils et leur dit: Rassemblez-vous, je veux vous révéler ce qui vous arrivera à la fin des temps. Réunissez-vous et écoutez... » Ya’akov voulait leur signifier que ce n’est que grâce à l’union fraternelle et à l’attention que chacun prêtera aux sentiments de l’autre, qu’ils seront sauvés, comme il est dit (Tan’houma Nitsavim 1): « Il n’y aura de rédemption que lorsque tout le peuple d’Israël sera uni ».

Il nous reste à expliquer pourquoi, lorsque Ya’akov voulut révéler à ses fils la fin des temps, l’inspiration divine le quitta (Pessa’him 56a). Il pensait qu’il y avait en eux quelque défaut. Ses fils lui dirent: « Écoute Israël, l’Eternel est notre D., l’Eternel est Un ». Il s’exclama alors: « Béni soit Son règne à tout jamais ». Il est difficile de comprendre que Ya’akov ait pu soupçonner ses fils d’avoir un doute quelconque concernant l’unité de D. au point qu’ils furent obligés de faire cette proclamation. Pourquoi ont-ils dit justement: « Écoute Israël »? Et quel est le sens de la réponse de Ya’akov: « Béni soit Son règne... »? Par ailleurs, si effectivement ils étaient intègres dans leur foi en l’unité de D., pourquoi Ya’akov fut-il privé de l’inspiration divine?

Pour répondre clairement à ces questions, il faut souligner que la haine et la jalousie risquent d’entraîner l’homme à détériorer l’image de D. qui est en son prochain. Y porter atteinte, c’est nier l’existence de D. (Béréchith Rabah 34:20) comme s’il y avait plusieurs divinités, et renforcer le pouvoir des forces du Mal. De plus, chaque commandement pratiqué par un homme dont la foi n’est pas entière renforce une croyance erronée et, et dans ce cas, ses bonnes actions profiteront à la personne qu’il a calomniée (‘Hafetz ‘Hayim, Chmirat HaLachon, HaZech’ira 7), et il perd toute ressemblance divine. En effet, comment porterait-il encore l’image de D. après avoir nié l’image de D. en l’autre?

Les Sages disent que Ya’akov a effectivement révélé à ses enfants la fin des temps car, en les réunissant et en les unissant, il leur fit savoir que cette unité amènerait la rédemption. C’est lorsqu’il voulut leur révéler les détails de la rédemption que l’inspiration divine le quitta. Et alors il eut la crainte qu’il ne subsiste encore dans leur cœur un sentiment de haine envers Yossef parce qu’il lui avait donné « une portion supérieure à celle de tes frères, portion conquise sur l’Amorréen, à l’aide de mon épée et de mon arc » (Béréchith 48:22). « A partir du moment où Yossef fut vendu en esclave, j’ai perdu l’inspiration divine » (Tan’houma Vayechev 2), et elle ne m’est revenue que lorsque vous vous êtes réconciliés, comme il est écrit (ibid. 45:27): « La vie revint au cœur de Ya’akov leur père ». Et voilà que soudain, l’inspiration divine me quitte à nouveau! Peut-être nourrissez-vous de nouveau de la haine contre Yossef parce que je lui ai donné la priorité? ou parce que je lui ai donné la ville de Che’hem? ou encore parce que j’ai donné à ses fils Ephraïm et Ménaché deux parts d’héritage (Tan’houma Vayé’hi 6), comme il est écrit (ibid. 48:5): « Ephraïm et Ménaché seront pour moi comme Réouven et Chimon »? Est-il possible que vous éprouviez encore de la haine?

Et alors, ses fils lui répondirent: « Écoute Israël, l’Eternel est notre D., l’Eternel est Un », c’est-à-dire: nous n’éprouvons aucune haine et aucune jalousie, à D. ne plaise, ni envers Yossef ni envers un autre. La déclaration « Chema Israël » signifie qu’avant de pouvoir parvenir à l’amour de D., à une vraie crainte de D. et à une foi entière, il faut aimer son prochain, être attentif à ses sentiments et partager ses souffrances. Les enfants de Ya’akov lui ont dit qu’ils aimaient leur prochain et étaient solidaires les uns des autres, et que ce n’était pas à cause d’eux que l’inspiration divine l’avait abandonné. Ya’akov répondit: « Béni soit Son règne... » autrement dit, l’honneur et le règne de D. sont intacts uniquement lorsque les Enfants d’Israël sont unis, alors Son Nom est entier et Son règne manifeste. L’inspiration divine l’abandonna uniquement en ce qu’il ne put pas leur révéler les détails des événements de la fin des temps.

Plus tard, au moment de les bénir, Ya’akov fit des remontrances à ses fils mais sans provoquer leur jalousie. Bien qu’il ait fait à certains des reproches et béni les autres, « il les a tous englobés dans une seule unité » (Bamidbar Rabah 13:8; Tan’houma Vayé’hi 16), car ils étaient tous unis dans une même intention lors de leur déclaration commune, « Chema Israël ».

Il se peut aussi que Ya’akov ait cru que ses enfants n’avaient pas compris la leçon donnée lors de sa rencontre avec Yossef. « Il donna à Yossef la ville de Che’hem » (Midrach Hagadah Vayigach 28:29), justement pour ôter de leur cœur toute jalousie. Lorsqu’ils répondirent: « Ecoute Israël », Ya’akov comprit qu’ils s’étaient réconciliés avec Yossef et qu’ils n’étaient pas jaloux qu’il ait reçu cette ville. Il est écrit « ...avec mon épée et avec mon arc » (ibid. 48:22), c’est-à-dire « avec ma prière et mes suppliques » (Baba Bathra 123a). C’est un fait connu qu’une chose acquise par la prière ne provoque pas la jalousie car elle n’a pas été obtenue par des moyens naturels. C’est que l’homme doit sanctifier son esprit autant que son corps et les consacrer à D.  De même que « si un homme a consacré sa maison à D. elle est sanctifiée » (Vayikra 27:14), de même le corps de l’homme et tout son être sont sanctifiés lorsqu’il sert D. avec enthousiasme. Personne ne peut alors le jalouser, et l’amour d’Israël se répand et rapproche le temps de la rédemption.

 

Article précédent
Table de matière
Paracha suivante

 

Hevrat Pinto • 32, rue du Plateau 75019 Paris - FRANCE • Tél. : +331 42 08 25 40 • Fax : +331 42 06 00 33 • © 2015 • Webmaster : Hanania Soussan